and manners, that, were they not separated by an
immense sea, we should conclude them to have descended from that
nation. In point of latitude, their situation is also the same; and
this further proves the influence of the climate, not only on the
colour, but the figure of men. In a word, in the new continent as in
the old, we find, at first, in the northern parts, men similar to
the Laplanders, and likewise whites with fair hair, like the
inhabitants of the north of Europe; then hairy men like the savages
of Jesso; and lastly, the savages of Canada, and of the whole
continent to the gulph6 of Mexico, who
resemble the Tartars in so many respects, that we should not
entertain a doubt of their being the same people, were we not
embarrassed about the possibility of their migration thither. Yet,
if we reflect on the small number of men found upon this extent of
ground, and on their being entirely uncivilized, we shall be
inclined to believe these savage nations were new colonies produced
by a few individuals from some other country. It is asserted that
North America does not contain the twentieth part of the natives it
did when originally discovered; allowing that to be the fact, we
still are 6 gulf [Meijer]
authorised |
que comme l’on n’a trouvé dans toute cette partie
de l’Amérique aucune nation civilisée, le nombre des hommes y étoit
encore trop petit & leur établissement dans ces contrées trop
nouveau pour qu’ils aient pû sentir la nécessité ou même les
avantages de se réunir en société; car quoique ces nations sauvages
eussent des espèces de mœurs ou de coûtumes particulières à chacune,
& que les unes fussent plus ou moins farouches, plus ou moins
cruelles, plus ou moins courageuses, elles étoient toutes également
stupides, également ignorantes, également dénuées d’arts &
d’industrie. Je ne crois donc pas devoir
m’étendre beaucoup sur ce qui a rapport aux coûtumes de ces nations
sauvages, tous les Auteurs qui en ont parlé n’ont pas fait attention
que ce qu’ils nous donnoient pour des usages constans & pour les
mœurs d’une société d’hommes, n’étoit que des actions particulières
à quelques individus souvent déterminez par les circonstances ou par
le caprice; certaines nations, nous disent-ils, mangent leurs
ennemis, d’autres les brûlent, d’autres les mutilent, les unes sont
perpétuellement en guerre, d’autres cherchent à vivre en paix; chez
les unes on tue son père lorsqu’il a atteint un certain âge, chez
les autres les pères & mères mangent leurs enfans, toutes ces
histoires sur lesquelles les voyageurs se sont étendus avec tant de
complaisance se réduisent à des récits de faits particuliers, &
signifient seulement que tel sauvage a mangé son ennemi, tel autre
l’a brûlé ou mutilé, tel autre a tué ou mangé son enfant, & tout
cela peut se
trouver |
authorised to consider it then, from the scantiness
of its inhabitants, as a land either deserted, or so recently
peopled, that its inhabitants had not had time for a considerable
multiplication. M. Fabry, who travelled a prodigious way to the
north-west of the Mississippi, and visited places where no European
had been, and where consequently the savage inhabitants could not
have been destroyed by them, says that he often travelled 200
leagues without observing a single human face, or the smallest
vestige of a habitation; that whenever he did meet with any
habitations, they were always at immense distances from each other,
and then never above 20 persons together. Along the lakes, and the
rivers, it is true, the savages are more populous, some sufficiently
so as to molest occasionally the inhabitants of our colonies. The
most considerable of these, nevertheless, do not exceed 3 or 4000
persons, and are dispersed over a space of ground frequently more
extensive than the kingdom of France. I am fully persuaded there are
more men in the city of Paris, than there are savages in north
America, from the gulph of Mexico to the furthest extremity north,
an extent of ground larger than all Europe.
The |
trouver dans une seule nation de sauvages comme
dans plusieurs nations, car toute nation où il n’y a ni régle, ni
loi, ni maître, ni société habituelle, est moins une nation qu’un
assemblage tumultueux d’hommes barbares & indépendans, qui
n’obéissent qu’à leurs passions particulières, & qui ne pouvant
avoir un intérêt commun, sont incapables de se diriger vers un même
but & de se soûmettre à des usages constans, qui tous supposent
une suite de desseins raisonnez & approuvez par le plus grand
nombre. La même nation, dira-t-on, est
composée d’hommes qui se reconnoissent, qui parlent la même langue,
qui se réunissent, lorsqu’il le faut, sous un chef, qui s’arment de même, qui hurlent de la même façon, qui se barbouillent de la même couleur; oui si ces
usages étoient constans, s’ils ne se réunissoient pas souvent sans
savoir pourquoi, s’ils ne se séparoient pas sans raison, si leur
chef ne cessoit pas de l’être par son caprice ou par le leur, si
leur langue même n’étoit pas si simple qu’elle leur est presque
commune à tous. Comme ils n’ont qu’un
très-petit nombre d’idées, ils n’ont aussi qu’une très-petite
quantité d’expressions, qui toutes ne peuvent rouler que sur les
choses les plus générales & les objets les plus communs; &
quand même la plûpart de ces expressions seroient différentes, comme
elles se réduisent à un fort petit nombre de termes, ils ne peuvent
manquer de s’entendre en très-peu de temps, & il doit être plus
facile à un sauvage d’entendre & de
parler |
The multiplication of
the human species depends more on society than nature. Men would not
have been comparatively so numerous as wild beasts, had they not
associated together, and given aid and succour to each other. In
North America, the Bison* is perhaps more frequently to be
seen than a man. But though society may be one great cause of
population, yet it is the increased number of men that necessarily
produces unity. It is to be presumed therefore that the want of
civilization in America was owing to the small number of the
inhabitants, for though each nation might have manners and customs
peculiar to itself; though some might be more fierce, cruel,
courageous, or dastardly than others; they were yet all equally
stupid, ignorant, unacquainted with the arts, and destitute of
industry. To dwell longer on the
customs of savage nations would be unnecessary. Authors have often
given for the established manners of a community, what were nothing
more than actions peculiar to a few individuals, and often
determined by circumstances, or caprice. Some
nations
* A kind of wild bull, different from the
European bull. |
parler toutes les langues des autres sauvages,
qu’il ne l’est à un homme d’une nation policée d’apprendre celle
d’une autre nation également policée.
Autant il est donc inutile de se trop étendre sur les coûtumes &
les mœurs de ces prétendues nations, autant il seroit peut-être
nécessaire d’examiner la nature de l’individu; l’homme sauvage est
en effet de tous les animaux le plus singulier, le moins connu,
& le plus difficile à décrire, mais nous distinguons si peu ce
que la Nature seule nous a donné de ce que l’éducation, l’imitation,
l’art & l’exemple nous ont communiqué, ou nous le confondons si
bien, qu’il ne seroit pas étonnant que nous nous méconnussions
totalement au portrait d’un sauvage, s’il nous étoit présenté avec
les vraies couleurs & des seuls traits naturels qui doivent en
faire le caractère. Un sauvage
absolument sauvage, tel que l’enfant élevé avec les ours, dont parle
Conor*, le jeune homme trouvé dans les forêts d’Hanover, ou la
petite fille trouvée dans les bois en France, seroient un spectacle
curieux pour un philosophe, il pourroit en observant son sauvage,
évaluer au juste la force des appétits de la Nature, il y verroit
l’ame à découvert, il en distingueroit tous les mouvemens naturels,
& peut-être y reconnoîtroit-il plus de douceur, de tranquillité
& de calme que dans la sienne, peut-être verroit-il clairement
que la vertu appartient à l’homme sauvage plus qu’à l’homme
* Evang. Med. page 133, &c.
civilisé |
nations tell us, they eat their enemies, others
burn, and some mutilate them; one nation is perpetually at war, and
another loves to live in peace; in one country, the child kills his
parent, when arrived at a certain age, and in another the parents
eat their children. All these stories, on which travellers have so
much enlarged, mean nothing more than that one individual savage had
devoured his enemy, another had burned or mutilated him, and a third
had killed and eaten his child. All these things may happen in every
savage nation; for a people among whom there is no regular
government, no law, no habitual society, ought rather to be termed a
tumultuous assemblage of barbarous and independent individuals, who
obey nothing but their own private passions, and who have no common
interest, are incapable of pursuing one object, and submitting to
settled usages which supposes general designs, founded on reason,
and approved of by the majority. A
nation, it may be replied, is composed of men who are no strangers
to each other, who speak the same language, who unite, when
necessity calls, under the same chief, who arm themselves in the
same fashion, and daub
themselves |
civilisé, & que le vice n’a pris naissance que
dans la société. Mais revenons à notre
principal objet: si l’on n’a rencontré dans toute l’Amérique
septentrionale que des sauvages, on a trouvé au Mexique & au
Pérou des hommes civilisez, des peuples policez, soûmis à des loix
& gouvernez par des Rois, ils avoient de l’industrie, des arts
& une espèce de religion, ils habitoient dans des villes où
l’ordre & la police étoient maintenus par l’autorité du
Souverain: ces peuples, qui d’ailleurs étoient assez nombreux, ne
peuvent pas être regardez comme des nations nouvelles ou des hommes
provenus de quelques individus échappez des peuples de l’Europe ou de
l’Asie, dont ils sont si éloignez; d’ailleurs si les sauvages de
l’Amérique septentrionale ressemblent aux Tartares parce qu’ils sont
situez sous la même latitude, ceux-ci qui sont, comme les Nègres,
sous la zone torride, ne leur ressemblent point, quelle est donc
l’origine de ces peuples, & quelle est aussi la vraie cause de
la différence de couleur dans les hommes, puisque celle de
l’influence du climat se trouve ici tout-à-fait
démentie! Avant que de satisfaire,
autant que je le pourrai, à ces questions, il faut continuer notre
examen, & donner la description de ces hommes qui paroissent en
effet si différens de ce qu’ils devroient être, si la distance du
pôle étoit la cause principale de la variété qui se trouve dans
l’espèce humaine; nous avons déjà donné celle des sauvages du nord
& des sauvages du Canada*, ceux de la
* Voyez à ce sujet les voyages du Baron de
la Hontan. La Haye, 1702; la relation de la
Gaspesie, par le P. le Clercq, Récolet. Paris, 1691, pages 44
& 392; la description de la nouvelle France, par le P.
Charlevois. Paris, 1744, Tome I, pages 16 & suivantes.
Tome III, pp. 24, 302, 310, 323; les Lettres édifiantes,
Recueil XXIII, p. 203 & 242; & le voyage au pays des
Hurons, par Gabriel Sabard Theodat, Récolet. Paris, 1632,
pages 128 & 178; le voyage de la nouvelle France, par
Dierville. Rouen, 1708, p. 122 jusqu’à 191; & les
découvertes de M. de la Salle, publiées par M. le Chevalier Tonti.
Paris, 1697, pages 24, 58, &c.
Floride |
themselves of the same colour. With truth might the
remark be made, if these usages were established; if savages did not
often assemble they know not how, and disperse they know not why; if
their chief did not cease to be so, whenever it suited their
caprice, or his own; and if their language was not so simple as to
be, with little variation, the language of every
tribe. As they have but few ideas,
their expressions turn upon things the most general, and objects the
most common; and, though the majority of their expressions were
different, yet the smallness of their number renders them easily
understood; and more easily, therefore, may a savage learn the
languages of all other savages, than the inhabitants of one polished
nation acquire a bare comprehension of the language of any other
nation equally
civilized. Unnecessary as it may be
to enlarge on the customs and manners of these pretended nations,
yet it may be important to examine the nature of the individual. Of
all animals a savage man is the most singular, the least known, and
the most difficult to describe and so little are we qualified to
distinguish the gifts of nature from what is acquired by education,
art and imitation, that it would not be surprising to
find |
Floride, du Mississipi & des autres parties
méridionales du continent de l’Amérique septentrionale sont plus
basanez que ceux du Canada, sans cependant qu’on puisse dire qu’ils
soient bruns, l’huile & les couleurs dont ils se frottent le
corps, les font paroître plus olivâtres qu’ils ne le sont en
effet. Coreal dit que les femmes de la Floride sont grandes,
fortes & de couleur olivâtre comme les hommes, qu’elles ont les
bras, les jambes & le corps peints de plusieurs couleurs qui
sont ineffaçables, parce qu’elles ont été imprimées dans les chairs
par le moyen de plusieurs piqûres, & que la couleur olivâtre des
uns & des autres ne vient pas tant de l’ardeur du soleil que de
certaines huiles dont, pour ainsi dire, ils se vernissent la peau;
il ajoûte que ces femmes sont fort agiles, qu’elles passent à la
nage de grandes rivières en tenant même leur enfant avec le bras,
& qu’elles grimpent avec une pareille agilité sur les arbres les
plus élevez*, tout cela leur est commun avec les femmes sauvages du
Canada & des autres contrées de l’Amérique. L’Auteur de
l’histoire naturelle & morale des Antilles dit que les
* Voyez
le voyage de Coreal. Paris, 1722, Tome I, page
36.
Apalachites, |
find we had totally mistaken the picture of a
savage, although it were presented to us in its real colours, and
with its natural features. An
absolute savage, such as a boy reared among bears, as mentioned by
Conor, the young man found in the forest of Hanover, or the girl in
the woods in France, would be a curious object to a philosopher; in
observing which he might be able to ascertain the force of natural
appetites; he would see the mind undisguised, and distinguish all
its movements; and, possibly, he might discover in it more mildness,
serenity, and peace, than in his own; he might also perceive, that
virtue belongs more to the savage than to the civilized man, and
that vice owes its birth to
society. But let us return to our
subject. If in North America there were none but savages, in Mexico
and Peru we found a polished people, subjected to laws, governed by
kings, industrious, acquainted with the arts, and not destitute of
religion. They lived in towns where the civil government was
superintended by the sovereign. These people, who were very
populous, cannot be considered as new colonies sprung from
individuals who had wandered from Europe or Asia, from which
they
are |
Apalachites, peuples voisins de la Floride, sont
des hommes d’une assez grande stature, de couleur olivâtre, &
bien proportionnez; qu’ils ont tous les cheveux noirs & longs,
& il ajoûte que les Caraïbes ou Sauvages des isles Antilles
sortent de ces Sauvages de la Floride, & qu’ils se souviennent
même par tradition du temps de leur
migration*. Les naturels des isles
Lucaies sont moins basanez que ceux de Saint-Domingue & de
l’isle de Cube, mais il reste si peu des uns & des autres
aujourd’hui qu’on ne peut guère vérifier ce que nous en ont dit les
premiers voyageurs qui ont parlé de ces peuples, ils ont prétendu
qu’ils étoient fort nombreux & gouvernez par des espèces de
chefs qu’ils appelloient Caciques, qu’ils avoient aussi des espèces
de prêtres, de médecins ou de devins, mais tout cela est assez
apocryphe, & importe d’ailleurs assez peu à notre histoire. Les
Caraïbes en général sont, selon le P. du Tertre, des hommes d’une
belle taille & de bonne mine; ils sont puissans, forts &
robustes, très-dispos & très-sains; il y en a plusieurs qui ont
le front plat & le nez aplati, mais cette forme du visage &
du nez ne leur est pas naturelle, ce sont les pères & mères qui
aplatissent ainsi la tête de l’enfant quelque temps après qu’il est
né; cette espèce de caprice qu’ont les Sauvages d’altérer la figure
naturelle de la tête, est assez générale dans toutes les nations
sauvages:
* Voyez l’histoire naturelle & morale
des isles Antilles. Rotterdam, 1658, page 351 & 356.
presque |
are so remote; besides, though the Savages of North
America resemble the Tartars, by their being situated in the same
latitude, yet the natives of Mexico and Peru, though they live, like
the Negroes, under the torrid zone, have not the smallest
resemblance to them. Whence then, shall we trace the origin of these
people? and whence proceeds the cause of the difference of colour in
the human species, since the influence of climate is, in this case,
entirely overthrown? Previous to
answering these questions let us pursue our inquiries respecting the
Savages of South America. Those of Florida, of the Mississippi, and
of the other southern parts of this continent, are more tawny than
those of Canada, though not positively brown, the oil and colours
with which they rub their bodies, giving them an olive hue which
does not naturally belong to them. Coreal says, that the women of
Florida are tall, strong, and of an olive complexion, like the men;
that they paint their arms, legs, and bodies, with several colours,
which as they are imprinted into the flesh by little incisions, are
indelible; and that the olive colour of both sexes proceeds not so
much from the heat of the climate as from the
oils |
presque tous les Caraïbes ont les yeux noirs &
assez petits, mais la disposition de leur front & de leur visage
les fait paroître assez gros; ils ont les dents belles, blanches
& bien rangées, les cheveux longs & lisses, & tous les
ont noirs, on n’en a jamais vû un seul avec des cheveux blonds; ils
ont la peau basanée ou couleur d’olive, & même le blanc des yeux
en tient un peu; cette couleur basanée leur est naturelle & ne
provient pas uniquement, comme quelques Auteurs l’ont avancé, du
rocou dont ils se frottent continuellement, puisque l’on a remarqué
que les enfans de ces Sauvages qu’on a élevez parmi les Européens
& qui ne se frottoient jamais de ces couleurs, ne laissoient pas
d’être basanez & olivâtres comme leurs pères & mères; tous
ces Sauvages ont l’air rêveur, quoiqu’ils ne pensent à rien, ils ont
aussi le visage triste & ils paroissent êtres mélancoliques; ils
sont naturellement doux & compatissans, quoique très-cruels à
leurs ennemis; ils prennent assez indifféremment pour femmes leurs
parentes ou des étrangères; leurs cousines germaines leur
appartiennent de droit, & on en a vû plusieurs qui avoient en
même temps les deux sœurs ou la mère & la fille, & même leur
propre fille; ceux qui ont plusieurs femmes les voient tour à tour
chacune pendant un mois, ou un nombre de jours égal, & cela
suffit pour que ces femmes n’aient aucune jalousie; ils pardonnent
assez volontiers l’adultère à leurs femmes, mais jamais à celui qui
les a débauchées. Ils se nourrissent de burgaux, de crabes, de
tortues, de lézards, de serpens & de poissons qu’ils
assaisonnent |
oils with which they varnish their skin. He adds,
that the women are remarkably active; that they swim over great
rivers with a child in their arms, and that they climb up the
loftiest trees with equal agility. In all of these particulars they
entirely resemble the savage women of Canada, and other countries of
America. Speaking of the
Apalachitos, a people in the vicinage of Florida, the author of the
“Histoire Naturelle et Morale des Antilles,” says, that they are of
a large stature, of an olive colour, and well proportioned; and that
their hair is black and long. He adds, that the Caribbees, who
inhabit the Antilles, are sprung from the savages of Florida, and
that they even know, by tradition, the period of their
migration. The natives of the Lucai
islands are less tawny than those of St. Domingo and Cuba; but there
remain so few of either that we can hardly verify what the first
travellers mention of the inhabitants. It has been pretended that
they were very numerous, and governed by chiefs whom they call
caciques, that they had priests and physicians; but this is
all very problematical, and is of little consequence to our history.
The Caribbees, in general, according
to |
assaisonnent avec du piment & de la farine de
manioc*. Comme ils sont extrêmement paresseux & accoûtumez à la
plus grande indépendance, ils détestent la servitude, & on n’a
jamais pû s’en servir comme on se sert des Nègres; il n’y a rien
qu’ils ne soient capables de faire pour se remettre en liberté,
& lorsqu’ils voient que cela leur est impossible, ils aiment
mieux se laisser mourir de faim & de mélancolie que de vivre
pour travailler: on s’est quelquefois servi des Arrouagues qui sont
plus doux que les Caraïbes, mais ce n’est que pour la chasse &
pour la pêche, exercices qu’ils aiment, & auxquels ils sont
accoûtumez dans leur pays; & encore faut-il, si l’on veut
conserver ces esclaves sauvages, les traiter avec autant de douceur
au moins que nous traitons nos domestiques en France, sans cela ils
s’enfuient ou périssent de mélancolie. Il en est à peu près de
même des esclaves Bresiliens, quoique ce soient de tous les sauvages
ceux qui paroissent être les moins stupides, les moins mélancoliques
& les moins paresseux; cependant on peut en les traitant avec
bonté les engager à tout faire, si ce n’est de travailler à terre,
parce qu’ils s’imaginent que la culture de la terre est ce qui
caractérise l’esclavage. Les femmes
sauvages sont toutes plus petites que les hommes, celles des
Caraïbes sont grasses & assez bien faites, elles ont les yeux
& les cheveux noirs, le tour du
* Voyez l’Hist. gén. des Antilles, par le P.
du Tertre, Tome II, page 453 jusqu’à 482. Voyez aussi les
nouveaux voyages aux Isles. Paris, 1722.
visage |
to Father du Tertre, are tall, and of a good
aspect: they are potent, robust, active, and healthy. Numbers of
them have flat foreheads and noses, but these features are entirely
the work of the parents, soon after their birth. In all savage
nations this caprice of altering the natural figure of the head is
very frequent. Most of the Caribbees have little black eyes,
beautiful white teeth, and long smooth black hair. Their skin is
tawny, or olive, and even the whites of their eyes are rather of
that hue. This is their natural colour, and not produced by the use
of the rocoa, as some authors have asserted, for several of the
children of these savages, who were educated among the Europeans,
and not allowed the use of paint, retained the same complexion as
their parents. The whole of this savage tribe, though their thoughts
are seldom employed, have a pensive air. They are naturally mild and
compassionate, though exceedingly cruel to their enemies. They
esteem it indifferent whom they marry, whether relations or
strangers. Their first cousins belong to them by right, and many
have been known to have at one time two sisters, or a mother and her
daughter, and even their own child. Those who have many wives
visit |
visage rond, la bouche petite, les dents fort
blanches, l’air plus gai, plus riant & plus ouvert que les
hommes; elles ont cependant de la modestie & sont assez
réservées; elles se barbouillent de rocou, mais elles ne se font pas
les raies noires sur le visage & sur le corps comme les hommes;
elles ne portent qu’un petit tablier de huit ou dix pouces de
largeur sur cinq à six pouces de hauteur, ce tablier est
ordinairement de toile de coton couverte de petits grains de verre;
ils ont cette toile & cette rassade des Européens, qui en font
commerce avec eux: ces femmes portent aussi plusieurs colliers de
rassade, qui leur environnent le col & descendent sur leur sein;
elles ont des brasselets de même espèce aux poignets & au dessus
des coudes, & des pendans d’oreilles de pierre bleue ou de
grains de verre enfilez: un dernier ornement qui leur est
particulier, & que les hommes n’ont jamais, c’est une espèce de
brodequins de toile de coton garnis de rassade, qui prend depuis la
cheville du pied jusqu’au dessus du gras de jambe; dès que les
filles ont atteint l’âge de puberté, on leur donne un tablier, &
on leur fait en même temps des brodequins aux jambes, qu’elles ne
peuvent jamais ôter, ils sont si serrez qu’ils ne peuvent ni monter
ni descendre, & comme ils empêchent le bas de la jambe de
grossir, les molets deviennent beaucoup plus gros & plus fermes
qu’ils ne le seroient naturellement*.
Les peuples qui habitent actuellement le Mexique &
* Voyez les nouveaux voyages aux Isles,
Tome II, page 8 & suit.
la
nouvelle |
visit them in turn, and stay a month, or a certain
numbers of days, which precludes all jealousy among the women. They
readily forgive their wives for adultery, but are implacable enemies
to the man who debauches them. They feed on lizards, serpents,
crabs, turtles and fishes, which they season with pimento, and the
flower of manioc. Lazy to an excess, and accustomed to the greatest
independence, they detest slavery, and can never be rendered so
useful as the Negroes. For the preservation of their liberty they
make every exertion; and when they find it impossible, will rather
die of hunger or despair than live and be obliged to work. Attempts
have been made to employ the Arrouaguas, who are milder than the
Caribbees, but who are only fit for hunting and fishing; exercises
of which, being accustomed to them in their own country; they are
particularly fond. If these savages are not used with at least as
much mildness as domestics generally are in the civilized nations of
Europe, they either run away or pine themselves to death. Nearly the
same is it with the slaves of Brazil; of all Savages these seem to
be the least stupid, indolent, or melancholy. Treated with
gentleness, however, they will
do |
la nouvelle Espagne, sont si mêlez, qu’à peine
trouve-t on deux visages qui soient de la même couleur; il y a dans
la ville de Mexico des blancs d’Europe, des Indiens du nord & du
sud de l’Amérique, des nègres d’Afrique, des mulâtres, des métis, en
sorte qu’on y voit des hommes de toutes les nuances de couleurs qui
peuvent être entre le blanc & le
noira. Les naturels du pays sont fort
bruns & de couleur d’olive, bien faits & dispos, ils ont peu
de poil, même aux sourcils, ils ont cependant tous les cheveux fort
longs & fort noirsb.
Selon Wafer, les habitans de l’isthme
de l’Amérique sont ordinairement de bonne taille & d’une jolie
tournure, ils ont la jambe fine, les bras bien faits, la poitrine
large, ils sont actifs & légers à la course; les femmes sont
petites & ramassées, & n’ont pas la vivacité des hommes,
quoique les jeunes aient de l’embonpoint, la taille jolie &
l’œil vif: les uns & les autres ont le visage rond, le nez gros
& court, les yeux grands, & pour la plûpart gris, pétillans
& pleins de feu, sur-tout dans la jeunesse, le front élevé, les
dents blanches & bien rangées, les lèvres minces, la bouche
d’une grandeur médiocre, & en gros, tous les traits assez
réguliers. Ils ont aussi tous, hommes & femmes, les cheveux
noirs, longs, plats & rudes, & les hommes auroient de la
barbe s’ils ne se la faisoient arracher; ils ont le teint basané, de
couleur de cuivre jaune ou d’orange, & les sourcils noirs comme
du jais.
a Voyez les Lettres
édifiantes. Recueil XI, page 119. b Voyez les
voyages de Coreal, Tome I, page 116.
Ces |
do whatever they are desired, unless it be to
cultivate the ground, for tillage they conceive to be the
characteristic badge of
slavery. Savage women are all
smaller than the men. Those of the Caribbees are fat, and tolerably
handsome; their eyes and hair are black, their visage round, their
month small, their teeth white, and their carriage more gay,
cheerful, and open, than that of the men. Yet are they modest and
reserved. They daub themselves with rocoa, but do not, like the men,
make black streaks upon the face and body. Their dress consists of a
kind of apron, in breadth about eight or ten inches, and in length
about five or six. This apron is generally made of calico, and
covered with small glass beads, both which commodities they purchase
from the Europeans. They likewise wear necklaces, which descend over
the breast, as also bracelets round the wrists and elbows, and
pendants in their ears, of blue stone, or of glass beads. Another
ornament peculiar to the sex is, a kind of buskin, made of calico,
and garnished with glass beads, which extends from the ankle to the
calf of the leg. On their attaining the age of puberty the girls
receive an apron and a pair of buskins, which are made
exactly |
Ces peuples que nous
venons de décrire, ne sont pas les seuls habitans naturels de
l’Isthme, on trouve parmi eux des hommes tout différens, &
quoiqu’ils soient en très-petit nombre, ils méritent d’être
remarquez: ces hommes sont blancs, mais ce blanc n’est pas celui des
Européens, c’est plûtôt un blanc de lait, qui approche beaucoup de
la couleur du poil d’un cheval blanc; leur peau est aussi toute
couverte, plus ou moins, d’une espèce de duvet court &
blancheâtre, mais qui n’est pas si épais sur les joues & sur le
front, qu’on ne puisse aisément distinguer la peau; leurs sourcils
sont d’un blanc de lait, aussi-bien que leurs cheveux qui sont
très-beaux, de la longueur de sept à huit pouces & à
demi-frisez. Ces Indiens, hommes & femmes, ne sont pas si grands
que les autres, & ce qu’ils ont encore de très-singulier, c’est
que leurs paupières sont d’une figure oblongue, ou plûtôt en forme
de croissant dont les pointes tournent en bas; ils ont les yeux si
foibles qu’ils ne voient presque pas en plein jour, ils ne peuvent
supporter la lumière du soleil, & ne voient bien qu’à celle de
la lune: ils sont d’une complexion fort délicate en comparaison des
autres Indiens, ils craignent les exercices pénibles, ils dorment
pendant le jour & ne sortent que la nuit; & lorsque la lune
luit, ils courent dans les endroits les plus sombres des forêts
aussi vîte que les autres le peuvent faire de jour, à cela près
qu’ils ne sont ni aussi robustes ni aussi vigoureux. Au reste ces
hommes ne forment pas une race particulière & distincte, mais il
arrive quelquefois qu’un père &
une |
exactly to their legs and cannot be removed; and as
they prevent the increase of the under part of the leg, the upper
parts naturally grow larger than they would otherwise have
done. So intermixed are the present
inhabitants of Mexico and Peru, that we rarely meet with two faces
of the same colour. In the town of Mexico, there are Europeans,
Indians from north and south America, negroes from Africa, and
mulattoes of every kind, insomuch that the people exhibit every kind
of shade between black and white. The natives of the country are
brown, or olive, well made and active. Though they have little hair,
even on their eyebrows, yet that upon their head is very long, and
very black. According to Wafer, the
natives of the Isthmus of America are commonly tall and handsome;
their limbs are well shaped, chest large, and at the chase they are
active and nimble. The women are short, squat, and less vivacious
than the men; though the young ones are tolerably comely, and have
lively eyes. Of both the face is round; the nose thick and short,
the eyes large, mostly grey, and full of fire; the forehead high;
the teeth white and regular; the lips thin; the mouth of a
moderate
size; |
une mère qui sont tous deux couleur de cuivre
jaune, ont un enfant tel que nous venons de le décrire. Wafer qui
rapporte ces faits, dit qu’il a vû lui-même un de ces enfans qui
n’avoit pas encore un an*. Si cela est,
cette couleur & cette habitude singulière du corps de ces
Indiens blancs, ne seroient qu’une espèce de maladie qu’ils
tiendroient de leurs pères & mères; mais en supposant que ce
dernier fait ne fût pas bien avéré, c’est-à-dire, qu’au lieu de
venir des Indiens jaunes ils fissent une race à part, alors ils
ressembleroient aux Chacrelas de Java, & aux Bedas de Ceylan,
dont nous avons parlé; ou si ce fait est bien vrai, & que ces
blancs naissent en effet de pères & mères couleur de cuivre, on
pourra croire que les Chacrelas & les Bedas viennent aussi de
pères & mères basanez, & que tous ces hommes blancs qu’on
trouve à de si grandes distances les uns des autres, sont des
individus qui ont dégénéré de leur race par quelque cause
accidentelle. J’avoue que cette dernière
opinion me paroît la plus vrai-semblable, & que si les voyageurs
nous eussent donné des descriptions aussi exactes des Bedas &
des Chacrelas que Wafer l’a fait des Dariens, nous eussions
peut-être reconnu qu’ils ne pouvoient pas plus que ceux-ci, être
d’origine Européenne. Ce qui me paroît appuyer beaucoup cette
manière de penser, c’est que parmi les Nègres il naît aussi des
blancs de pères & mères noirs; on trouve la description de deux
de ces Nègres blancs
* Voyez les voyages de Dampier, Tome 4,
page 252.
dans |
size; and, in general, all their features are
tolerably regular. They have black, long, and straight hair; and the
men would have beards did they not pluck them out: their colour is
tawny and their eye-brows are as black as
jet. These people are not the only
natives of this Isthmus, for we find among them men who are white;
but their colour is not the white of Europeans, but rather resembles
that of milk, or the hairs of a white horse. Their skin is covered
with a kind of short and whitish down, which on the cheeks and
forehead is not so thick but the skin may be seen. The hair upon
their head and eye-brows is perfectly white; the former is rather
frizled, and from seven to eight inches long. They are not so tall
as the other Indians; and, what is singular, their eye-lids are of
an oblong figure, or rather in the form of a crescent, whose points
turn downwards. So weak are their eyes, that they cannot support the
light of the sun, and they see best by that of the moon. Their
complexion is exceedingly delicate. To all laborious exercises they
are averse; they sleep through the day, and never stir abroad till
night. If the moon shines, they scamper through the forests as
nimbly as the others can in the day. These men do not
form |
dans l’histoire de l’Académie, j’ai vû moi-même
l’un des deux, & on assure qu’il s’en trouve un assez grand
nombre en Afrique parmi les autres Nègres*. Ce que j’en ai vû,
indépendamment de ce qu’en disent les voyageurs, ne me laisse aucun
doute sur leur origine; ces Nègres blancs sont des Nègres dégénérez
de leur race, ce ne sont pas une espèce d’hommes particulière &
constante, ce sont des individus singuliers qui ne sont qu’une
variété accidentelle, en un mot, ils sont parmi les Nègres ce que
Wafer dit que nos Indiens blancs sont parmi les Indiens jaunes,
& ce que sont apparemment les Chacrelas & les Bedas parmi
les Indiens bruns: ce qu’il y a de plus singulier, c’est que cette
variation de la Nature ne se trouve que du noir au blanc, & non
pas du blanc au noir; car elle arrive chez les Nègres, chez les
Indiens les plus bruns, & aussi chez les Indiens les plus
jaunes, c’est-à-dire, dans toutes les races d’hommes qui sont les
plus éloignées du blanc, & il n’arrive jamais chez les blancs
qu’il naisse des individus noirs: une autre singularité, c’est que
tous ces peuples des Indes orientales, de l’Afrique & de
l’Amérique, chez lesquels on trouve ces hommes blancs, sont tous
sous la même latitude; l’isthme de Darien, le pays des Nègres &
Ceylan sont absolument sous le même parallèle. Le blanc paroît
donc être la couleur primitive de la Nature, que le climat, la
nourriture & les mœurs altèrent & changent, même jusqu’au
jaune, au brun ou au noir, & qui reparoît dans de
* Voyez la Vénus physique. Paris, 1745.
certaines |
form a particular and distinct race, as it
sometimes happens, that from parents who are both of a copper-colour
one of these children is produced. Wafer, who relates these facts,
says, that he saw a child, not a year old, who had been thus
produced. If this were the case,
the strange colour, and temperament of these white Indians, can only
be a kind of malady, which they inherit from their parents. But if,
instead of being sprung from the yellow Indians, they formed a
separate race, then would they resemble the Chacrelas of Java, and
the Bedas of Ceylon, whom we have already mentioned. If, on the
other hand, these white people are actually born of copper-coloured
parents, we shall have reason to believe, that the Chacrelas and the
Bedas originate also from parents of the same colour; and that all
the white men, whom we find at such distances from each other, are
individuals who have degenerated from their race by some accidental
cause. This last opinion, I own,
appears to me the most probable; and had travellers given us as
exact descriptions of the Bedas and Chacrelas, as Wafer has done of
the Dariens, we should, perhaps, have discovered that they
were |
certaines circonstances, mais avec une si grande altération,
qu’il ne ressemble point au blanc primitif, qui en effect a été
dénaturé par les causes que nous venons
d’indiquer. En tout, les deux extrêmes
se rapprochent presque toûjours, la Nature aussi parfaite qu’elle
peut l’être, a fait les hommes blancs, & la Nature altérée
autant qu’il est possible, les rend encore blancs; mais le blanc
naturel ou blanc de l’espèce est fort différent du blanc individuel
ou accidentel; on en voit des exemples dans les plantes aussi-bien
que dans les hommes & les animaux, la rose blanche, la géroflée
blanche, &c. sont bien différentes, même pour le blanc, des
roses ou des géroflées rouges, qui dans l’automne deviennent
blanches, lorsqu’elles ont souffert le froid des nuits & les
petites gelées de cette saison. Ce qui
peut encore faire croire que ces hommes blancs ne sont en effet que
des individus qui ont dégénéré de leur espèce, c’est qu’ils sont
tous beaucoup moins forts & moins vigoureux que les autres,
& qu’ils ont les yeux extrêmement foibles; on trouvera ce
dernier fait moins extraordinaire, lorsqu’on se rappellera que parmi
nous les hommes qui sont d’un blond blanc, ont ordinairement les
yeux foibles, j’ai aussi remarqué qu’ils avoient souvent l’oreille
dure: & on prétend que les chiens qui sont absolument blancs
& sans aucune tache, sont sourds, je ne sais si cela est
généralement vrai, je puis seulement assurer que j’en ai vû
plusieurs qui l’étoient en effet.
Les |
were no more of European origin than the latter.
This opinion receives great weight from the fact that negroes
sometimes have white children. Of two of those white negroes we have
a description in the history of the French Academy; one of the two I
saw myself, and am assured there are many to be met with among the
other negroes of Africa. From what
I have myself observed, independent of the information of
travellers, I have no doubt, but that they are only negroes
degenerated from their race, and not a peculiar and established
species of men. In a word, they are among the negroes, what Wafer
says, the white Indians are among the yellow Indians of Darien, and
what the Chacrelas and the Bedas are among the brown Indians of the
East. Still more singular is it that this variation never happens
but from black to white, and also that all the nations of the East
Indies, of Africa, and of America, in which these white men are
found, are in the same latitude. The isthmus of Darien, the country
of the negroes, and Ceylon, are absolutely under the same line.
White then appears to be the primitive colour of Nature, which
climate, food, and manners, alter, and even change into
yellow, |
Les Indiens du Pérou
sont aussi couleur de cuivre comme ceux de l’Isthme, sur-tout ceux
qui habitent le bord de la mer & les terres basses, car ceux qui
demeurent dans les pays élevez, comme entre les deux chaînes des
Cordillères, sont presque aussi blancs que les Européens; les uns
sont à une lieue de hauteur au dessus des autres, & cette
différence d’élévation sur le globe fait autant qu’une différence de
mille lieues en latitude pour la température du climat. En effet,
tous les Indiens naturels de la terre ferme, qui habitent le long de
la rivière des Amazones & le continent de la Guiane, sont
basanez & de couleur rougeâtre, plus ou moins claire: la
diversité de la nuance, dit M. de la Condamine, a vrai semblablement
pour cause principale la différente température de l’air des pays
qu’ils habitent, variée depuis la plus grande chaleur de la zone
torride jusqu’au froid causé par le voisinage de la
neigea. Quelques-uns de ces Sauvages,
comme les Omaguas, aplatissent le visage de leurs enfans, en leur
serrant la tête entre deux planchesb;
quelques autres se percent les narines, les lèvres ou les joues,
pour y passer des os de poissons, des plumes d’oiseaux &
d’autres ornemens; la plûpart se percent les oreilles, se les
agrandissent prodigieusement, & remplissent le trou du lobe d’un
gros bouquet de fleurs ou d’herbes qui leur sert de pendans
d’oreillesc. Je ne dirai rien de ces
Amazones
a Voyez le voyage de l’Amérique
méridionale, en descendant la rivière des Amazones, par M. de la
Condamine. Paris, 1745, page 49. b Idem,
page 72. c Idem, page 48 & suivantes.
dont |
yellow, brown, or black; and which, in certain
circumstances, reappears, though by no means equal to its original
whiteness on account of its corruption from the causes here
mentioned. Nature, in her full
perfection, made men white; and, reduced to the last stage of
adulteration, she renders them white again. But the natural white is
widely different from the individual, or accidental white. In
plants, as well as in men and animals, do we find examples of this
fact. The white rose, &c. differs greatly in point of whiteness
from the red rose, which becomes white by the cold evenings and
frosty chills of autumn. A further
proof that these white men are merely degenerated individuals, is
their being less strong and vigorous than others, and their eyes
being extremely weak. The fact will appear less extraordinary, when
we recollect, that, among ourselves, very fair men have very weak
eyes, and that such people are often slow of hearing. It is
pretended that dogs absolutely white, are deaf. Whether the
observation is generally just, I know not, but in a number of
instances I have seen it confirmed.
The |
dont on a tant parlé, on peut consulter à ce sujet
ceux qui en ont écrit; & après les avoir lûs, on n’y trouvera
rien d’assez positif pour constater l’existence actuelle de ces
femmesa. Quelques
voyageurs font mention d’une nation dans la Guiane, dont les hommes
sont plus noirs que tous les autres Indiens: les Arras, dit Raleigh,
sont presque aussi noirs que les Nègres, ils sont fort vigoureux,
& ils se servent de flèches empoisonnées: cet auteur parle aussi
d’une autre nation d’Indiens qui ont le col si court & les
épaules si élevées, que leurs yeux paroissent être sur leurs
épaules, & leur bouche dans leur
poitrineb; cette difformité si monstrueuse n’est sûrement pas
naturelle, & il y a grande apparence que ces Sauvages qui se
plaisent tant à défigurer la Nature en aplatissant, en arrondissant,
en alongeant la tête de leurs enfans, auront aussi imaginé de leur
faire rentrer le col dans les épaules; il ne faut pour donner
naissance à toutes ces bizarreries, que l’idée de se rendre par ces
difformités, plus effroyables & plus terribles à leurs
ennemis. Les Scythes, autrefois aussi sauvages que le sont
aujourd’hui les Américains, avoient apparemment les mêmes idées
qu’ils réalisoient de la même façon; & c’est ce qui a sans doute
donné
a Voyez le voyage de M. de la
Condamine, page 101 jusqu’à 113; la relation de la Guiane par
Walter Raleigh, tome II des voyages de Coreal, page 25; la
relation du P. d’Acuña, traduite par Gomberville. Paris, 1682,
volume I, page 237; les Lettres édifiantes, Recueil X, page
241, & Recueil XII, page 213; les voyages de Mocquet,
page 101 jusqu’à 105, &c. b Voyez le second
tome des voyages de Coreal, pages 58 & 59.
lieu |
The Indians of Peru,
like the natives of the Isthmus, are copper-coloured; those
especially who live near the sea, and in the plains. Those who live
between the two ridges of the Cordeliers, are almost as white as the
Europeans. Some live in Peru more than a league higher than others;
and which elevation, with respect to the temperature of the climate,
is equal to twenty leagues in latitude. All the native Indians, who
dwell along the river of the Amazons, and in Guiana are tawny, and
more or less red. The diversity of shades, says M. de la Condamine,
is principally occasioned by the different temperature of the air,
varied as it is, from the extreme heat of the torrid zone, to the
cold occasioned by the vicinage of snow. Some of these Savages, as
the Omaguas, flatten the visages of their children, by compressing
the head between two planks; others pierce the nostrils, lips, or
checks, for the reception of the bones of fishes, feathers, and
other ornaments; and the greatest part bore their ears, and fill the
hole with a large bunch of flowers, or herbs, which serves them for
pendants. With respect to the Amazons, about whom so much has been
said, I shall be silent. To those who have written on the subject I
refer the
reader; |
lieu à ce que les Anciens ont écrit au sujet des
hommes acéphales, cynocéphales, &c.
Les Sauvages du Bresil sont à peu près de la taille des Européens,
mais plus forts, plus robustes & plus dispos; ils ne sont pas
sujets à autant de maladies, & ils vivent communément plus
long-temps: leurs cheveux, qui sont noirs, blanchissent rarement
dans la vieillesse; ils sont basanez, & d’une couleur brune qui
tire un peu sur le rouge; ils ont la tête grosse, les épaules larges
& les cheveux longs; ils s’arrachent la barbe, le poil du corps,
& même les sourcils & les cils, ce qui leur donne un regard
extraordinaire & farouche; ils se percent la lèvre de dessous
pour y passer un petit os poli comme de l’ivoire, ou une pierre
verte assez grosse; les mères écrasent le nez de leurs enfans peu de
temps après la naissance; ils vont tous absolument nus, & se
peignent le corps de différentes couleurs*. Ceux qui habitent dans
les terres voisines des côtes de la mer, se sont un peu civilisez
par le commerce volontaire ou forcé qu’ils ont avec les Portugais,
mais ceux de l’intérieur des terres sont encore, pour la plûpart,
absolument sauvages; ce n’est pas même par la force & en voulant
les réduire à un dur esclavage, qu’on vient à bout de les policer,
les missions ont formé
* Voyez le voyage fait au Bresil, par Jean
de Lery. Paris, 1578, p. 108; le voyage de Coreal, Tome I,
page 163 & suivantes; les mémoires pour servir à l’histoire
des Indes. 1702, page 287; l’histoire des Indes de Massée,
Paris, 1665, page 71; la seconde partie des voyages de
Pyrard, Tome II, page 337; les Lettres édifiantes, Receuil
XV, page 351, &c.
plus |
reader; and when he has perused them he will not
find sufficient proof to evince the actual existence of such
women. Some authors, mention a
nation in Guiana of which the natives are more black than any other
Indians. The Arras, says Raleigh, are almost as black as the
Negroes, are vigorous, and use poisoned arrows. This author mentions
likewise another nation of Indians, who have necks so short, and
shoulders so elevated, that their eyes appear to be upon the latter,
and their mouths in their breast. This monstrous deformity cannot be
natural; and it is probable that savages, who are so pleased in
disfiguring nature by flattening, rounding, and lengthening the
head, might likewise contrive to sink it into the shoulders. These
fantasies might arise from an idea that, by rendering themselves
deformed, they became more dreadful to their enemies. The Scythians,
formerly, as savage as the American Indians are now, evidently
entertained the same ideas, and realized them in the same manner;
which no doubt is the foundation of what the ancients have written
about such men as they termed acephali, cynocephali, &c.
The |
plus d’hommes dans ces nations barbares, que les
armées victorieuses des Princes qui les ont subjuguées: le Paraguai
n’a été conquis que de cette façon; la douceur, le bon exemple, la
charité & l’exercice de la vertu, constamment pratiquez par les
Missionnaires, ont touché ces Sauvages, & vaincu leur défiance
& leur férocité; ils sont venus souvent d’eux-mêmes demander à
connoître la loi qui rendoit les hommes si parfaits, ils se sont
soûmis à cette loi & réunis en société: rien ne fait plus
d’honneur à la religion que d’avoir civilisé ces nations & jeté
les fondemens d’un empire, sans autres armes que celles de la
vertu. Les habitans de cette contrée du
Paraguai ont communément la taille assez belle & assez élevée,
ils ont le visage un peu long & la couleur
olivâtrea. Il règne quelquefois parmi eux
une maladie extraordinaire, c’est une espèce de lèpre qui leur
couvre tout le corps, & y forme une croûte semblable à des
écailles de poisson; cette incommodité ne leur cause aucune douleur,
ni même aucun autre dérangement dans la
santéb. Les
Indiens du Chili sont, au rapport de M. Frezier, d’une couleur
basanée, qui tire un peu sur celle du cuivre rouge, comme celle des
Indiens du Pérou: cette couleur est différente de celle des
mulâtres; comme ils viennent d’un blanc & d’une négresse, ou
d’une blanche & d’un
a Voyez les voyages de Coreal,
Tome I, pages 240 & 259; les Lettres édifiantes, Recueil
XI, page 391, Recueil XII, page 6. b Voyez les
Lettres édifiantes, Recueil XXV, page 122.
nègre, |
The Savages of Brazil
are nearly of the size of the Europeans, but are more vigorous,
robust, and alert: they are also subject to fewer diseases, and live
longer. Their hair, which is black, seldom whitens with age. They
are of a copper-colour, inclining to red: their heads are large,
shoulders broad, and hair long. They pluck out their beard, the hair
upon the body, and even the eye-brows, from which they acquire an
extraordinary fierce look. They pierce the under lip, to ornament it
with a little bone polished like ivory, or with a green stone. The
mothers crush the noses of their children, presently after they are
born; they all go absolutely naked, and paint their bodies of
different colours. Those who inhabit the countries adjacent to the
sea are somewhat civilized by the commerce which they carry on with
the Portuguese; but those of the inland places are still absolute
savages. It is not by force that savages have become civilized,
their manners have been much more softened by the arguments of
missionaries, than by the arms of the princes by whom they were
subdued. In this manner Paraguay was subdued: the mildness, example,
and virtuous
conduct, |
nègre, leur couleur est brune, c’est-à-dire, mêlée
de blanc & de noir, au lieu que dans tout le continent de
l’Amérique méridionale les Indiens sont jaunes ou plûtôt rougeâtres;
les habitans du Chili sont de bonne taille: ils ont les membres
gros, la poitrine large, le visage peu agréable & sans barbe,
les yeux petits, les oreilles longues, les cheveux noirs, plats
& gros comme du crin; ils s’alongent les oreilles, & ils
s’arrachent la barbe avec des pinces faites de coquilles; la plûpart
vont nus, quoique le climat soit froid, ils portent seulement sur
leurs épaules quelques peaux d’animaux. C’est à l’extrémité du
Chili, vers les terres Magellaniques, que se trouve, à ce qu’on
prétend, une race d’hommes dont la taille est gigantesque; M.
Frezier dit avoir appris de plusieurs Espagnols qui avoient vû
quelques-uns de ces hommes, qu’ils avoient quatre varres de hauteur,
c’est-à-dire, neuf ou dix pieds; selon lui, ces géans appellez
Patagons, habitent le côté de l’est de la côte déserte dont les
anciennes relations ont parlé, qu’on a ensuite traitées de fables,
parce que l’on a vû au détroit de Magellan des Indiens dont la
taille ne surpassoit pas celle des autres hommes: c’est, dit-il, ce
qui a pû tromper Froger dans sa relation du voyage de M. de Gennes;
car quelques vaisseaux ont vû en même-temps les uns & les
autres: en 1709 les gens du vaisseau le Jacques, de Saint-Malo,
virent sept de ces géans dans la baie Grégoire, & ceux du
vaisseau le Saint-Pierre, de Marseille, en virent six, dont ils
s’approchèrent pour leur offrir du pain, du vin & de
l’eau-de-vie, qu’ils
refuserent |
conduct, of the missionaries touched the hearts of
its savages, and triumphed over their distrust and ferocity. They
often, of themselves, desired to be made acquainted with that law,
which rendered men so perfect, submitted to its precepts, and united
in society. Nothing can reflect greater honour on religion, than its
having civilized these nations, and laid the foundations of an
empire, without any arms but those of virtue and
humanity. The inhabitants of
Paraguay are commonly tall and handsome; their visage long, and
their colour olive. There sometimes rages among them a very uncommon
distemper. It is a kind of leprosy, which covers the whole of their
body with a crust similar to the scales of fish, and from which they
experience no pain, nor even interruption of
health. According to Frezier, the
Indians of Chili are of a tawny or coppery complexion, but different
from Mulattoes, who being produced by a white man and negro-woman,
or a white woman and a negro-man, their colour is brown, or a
mixture of white and black. In South America, on the other hand, the
Indians are yellow, or rather reddish. The natives of
Chili |
refuserent quoiqu’ils eussent donné à ces Matelots
quelques fléches, & qu’ils les eussent aidez à échouer le canot
du navirea. Au reste, comme M. Frezier ne
dit pas avoir vû lui-même aucun de ces géans, & que les
relations qui en parlent sont remplies d’exagérations sur d’autres
choses, on peut encore douter qu’il existe en effet une race
d’hommes toute composée de géans, sur-tout lorsqu’on leur supposera
dix pieds de hauteur; car le volume du corps d’un tel homme seroit
huit fois plus considérable que celui d’un homme ordinaire; il
semble que la hauteur ordinaire des hommes étant de cinq pieds, les
limites ne s’étendent guère qu’à un pied au dessus & au dessous;
un homme de six pieds est en effet un très-grand homme, & un
homme de quatre pieds est très-petit; les géans & les nains qui
sont au dessus & au dessous de ces termes de grandeur, doivent
être regardez comme des variétés individuelles & accidentelles,
& non pas comme des différences permanentes qui produiroient des
races constantes. Au reste, si ces géans
des terres Magellaniques existent, ils sont en fort petit nombre,
car les habitans des terres du détroit & des isles voisines sont
des Sauvages d’une taille médiocre; ils sont de couleur olivâtre,
ils ont la poitrine large, le corps assez quarré, les membres gros,
les cheveux noirs & platsb; en un mot,
ils ressemblent
a Voyez le voyage de M. Frezier.
Paris, 1732, page 75 & suiv. b Voyez le
voyage du Cap Narbrugh, second volume de Coreal, pages 231 &
284; l’histoire de la conquête des Molucques, par Argensola,
Tome I, pages 35 & 255; le voyage de M. de Gennes, par Froger, page 97; le recueil des
voyages qui ont servi à l’établissement de la Comp. de Holl .Tome
I, page 651; les voyages du Capitaine Wood, cinquième volume
de Dampier, page 179, &c.
par
| |