[ pp. 190-209 ] [ pp. 210-229 ] [ pp. 230-249 ] [ pp. 250-269 ] [ pp. 270-289 ] [ pp. 290-309 ] [ pp. 310-329 ] [ pp. 330-352]
"Of the Varieties in the Human Species," Barr's Buffon, transcribed by Dr. Meijer, pp. 310-329.

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310 BUFFON’S

and manners, that, were they not separated by an immense sea, we should conclude them to have descended from that nation. In point of latitude, their situation is also the same; and this further proves the influence of the climate, not only on the colour, but the figure of men. In a word, in the new continent as in the old, we find, at first, in the northern parts, men similar to the Laplanders, and likewise whites with fair hair, like the inhabitants of the north of Europe; then hairy men like the savages of Jesso; and lastly, the savages of Canada, and of the whole continent to the gulph6 of Mexico, who resemble the Tartars in so many respects, that we should not entertain a doubt of their being the same people, were we not embarrassed about the possibility of their migration thither. Yet, if we reflect on the small number of men found upon this extent of ground, and on their being entirely uncivilized, we shall be inclined to believe these savage nations were new colonies produced by a few individuals from some other country. It is asserted that North America does not contain the twentieth part of the natives it did when originally discovered; allowing that to be the fact, we still are

6 gulf [Meijer]

authorised

490 HISTOIRE NATURELLE

que comme l’on n’a trouvé dans toute cette partie de l’Amérique aucune nation civilisée, le nombre des hommes y étoit encore trop petit & leur établissement dans ces contrées trop nouveau pour qu’ils aient pû sentir la nécessité ou même les avantages de se réunir en société; car quoique ces nations sauvages eussent des espèces de mœurs ou de coûtumes particulières à chacune, & que les unes fussent plus ou moins farouches, plus ou moins cruelles, plus ou moins courageuses, elles étoient toutes également stupides, également ignorantes, également dénuées d’arts & d’industrie.
     Je ne crois donc pas devoir m’étendre beaucoup sur ce qui a rapport aux coûtumes de ces nations sauvages, tous les Auteurs qui en ont parlé n’ont pas fait attention que ce qu’ils nous donnoient pour des usages constans & pour les mœurs d’une société d’hommes, n’étoit que des actions particulières à quelques individus souvent déterminez par les circonstances ou par le caprice; certaines nations, nous disent-ils, mangent leurs ennemis, d’autres les brûlent, d’autres les mutilent, les unes sont perpétuellement en guerre, d’autres cherchent à vivre en paix; chez les unes on tue son père lorsqu’il a atteint un certain âge, chez les autres les pères & mères mangent leurs enfans, toutes ces histoires sur lesquelles les voyageurs se sont étendus avec tant de complaisance se réduisent à des récits de faits particuliers, & signifient seulement que tel sauvage a mangé son ennemi, tel autre l’a brûlé ou mutilé, tel autre a tué ou mangé son enfant, & tout cela peut se

trouver

NATURAL HISTORY. 311

authorised to consider it then, from the scantiness of its inhabitants, as a land either deserted, or so recently peopled, that its inhabitants had not had time for a considerable multiplication. M. Fabry, who travelled a prodigious way to the north-west of the Mississippi, and visited places where no European had been, and where consequently the savage inhabitants could not have been destroyed by them, says that he often travelled 200 leagues without observing a single human face, or the smallest vestige of a habitation; that whenever he did meet with any habitations, they were always at immense distances from each other, and then never above 20 persons together. Along the lakes, and the rivers, it is true, the savages are more populous, some sufficiently so as to molest occasionally the inhabitants of our colonies. The most considerable of these, nevertheless, do not exceed 3 or 4000 persons, and are dispersed over a space of ground frequently more extensive than the kingdom of France. I am fully persuaded there are more men in the city of Paris, than there are savages in north America, from the gulph of Mexico to the furthest extremity north, an extent of ground larger than all Europe.

The

DE L’HOMME. 491

trouver dans une seule nation de sauvages comme dans plusieurs nations, car toute nation où il n’y a ni régle, ni loi, ni maître, ni société habituelle, est moins une nation qu’un assemblage tumultueux d’hommes barbares & indépendans, qui n’obéissent qu’à leurs passions particulières, & qui ne pouvant avoir un intérêt commun, sont incapables de se diriger vers un même but & de se soûmettre à des usages constans, qui tous supposent une suite de desseins raisonnez & approuvez par le plus grand nombre.
     La même nation, dira-t-on, est composée d’hommes qui se reconnoissent, qui parlent la même langue, qui se réunissent, lorsqu’il le faut, sous un chef, qui s’arment de même, qui hurlent de la même façon, qui se barbouillent de la même couleur; oui si ces usages étoient constans, s’ils ne se réunissoient pas souvent sans savoir pourquoi, s’ils ne se séparoient pas sans raison, si leur chef ne cessoit pas de l’être par son caprice ou par le leur, si leur langue même n’étoit pas si simple qu’elle leur est presque commune à tous.
     Comme ils n’ont qu’un très-petit nombre d’idées, ils n’ont aussi qu’une très-petite quantité d’expressions, qui toutes ne peuvent rouler que sur les choses les plus générales & les objets les plus communs; & quand même la plûpart de ces expressions seroient différentes, comme elles se réduisent à un fort petit nombre de termes, ils ne peuvent manquer de s’entendre en très-peu de temps, & il doit être plus facile à un sauvage d’entendre & de

parler

312 BUFFON’S

     The multiplication of the human species depends more on society than nature. Men would not have been comparatively so numerous as wild beasts, had they not associated together, and given aid and succour to each other. In North America, the Bison* is perhaps more frequently to be seen than a man. But though society may be one great cause of population, yet it is the increased number of men that necessarily produces unity. It is to be presumed therefore that the want of civilization in America was owing to the small number of the inhabitants, for though each nation might have manners and customs peculiar to itself; though some might be more fierce, cruel, courageous, or dastardly than others; they were yet all equally stupid, ignorant, unacquainted with the arts, and destitute of industry.
     To dwell longer on the customs of savage nations would be unnecessary. Authors have often given for the established manners of a community, what were nothing more than actions peculiar to a few individuals, and often determined by circumstances, or caprice. Some

nations

* A kind of wild bull, different from the European bull.

492 HISTOIRE NATURELLE

parler toutes les langues des autres sauvages, qu’il ne l’est à un homme d’une nation policée d’apprendre celle d’une autre nation également policée.
     Autant il est donc inutile de se trop étendre sur les coûtumes & les mœurs de ces prétendues nations, autant il seroit peut-être nécessaire d’examiner la nature de l’individu; l’homme sauvage est en effet de tous les animaux le plus singulier, le moins connu, & le plus difficile à décrire, mais nous distinguons si peu ce que la Nature seule nous a donné de ce que l’éducation, l’imitation, l’art & l’exemple nous ont communiqué, ou nous le confondons si bien, qu’il ne seroit pas étonnant que nous nous méconnussions totalement au portrait d’un sauvage, s’il nous étoit présenté avec les vraies couleurs & des seuls traits naturels qui doivent en faire le caractère.
     Un sauvage absolument sauvage, tel que l’enfant élevé avec les ours, dont parle Conor*, le jeune homme trouvé dans les forêts d’Hanover, ou la petite fille trouvée dans les bois en France, seroient un spectacle curieux pour un philosophe, il pourroit en observant son sauvage, évaluer au juste la force des appétits de la Nature, il y verroit l’ame à découvert, il en distingueroit tous les mouvemens naturels, & peut-être y reconnoîtroit-il plus de douceur, de tranquillité & de calme que dans la sienne, peut-être verroit-il clairement que la vertu appartient à l’homme sauvage plus qu’à l’homme

* Evang. Med. page 133, &c.

civilisé

NATURAL HISTORY. 313

nations tell us, they eat their enemies, others burn, and some mutilate them; one nation is perpetually at war, and another loves to live in peace; in one country, the child kills his parent, when arrived at a certain age, and in another the parents eat their children. All these stories, on which travellers have so much enlarged, mean nothing more than that one individual savage had devoured his enemy, another had burned or mutilated him, and a third had killed and eaten his child. All these things may happen in every savage nation; for a people among whom there is no regular government, no law, no habitual society, ought rather to be termed a tumultuous assemblage of barbarous and independent individuals, who obey nothing but their own private passions, and who have no common interest, are incapable of pursuing one object, and submitting to settled usages which supposes general designs, founded on reason, and approved of by the majority.
     A nation, it may be replied, is composed of men who are no strangers to each other, who speak the same language, who unite, when necessity calls, under the same chief, who arm themselves in the same fashion, and daub

themselves

DE L’HOMME. 493

civilisé, & que le vice n’a pris naissance que dans la société.
     Mais revenons à notre principal objet: si l’on n’a rencontré dans toute l’Amérique septentrionale que des sauvages, on a trouvé au Mexique & au Pérou des hommes civilisez, des peuples policez, soûmis à des loix & gouvernez par des Rois, ils avoient de l’industrie, des arts & une espèce de religion, ils habitoient dans des villes où l’ordre & la police étoient maintenus par l’autorité du Souverain: ces peuples, qui d’ailleurs étoient assez nombreux, ne peuvent pas être regardez comme des nations nouvelles ou des hommes provenus de quelques individus échappez des peuples de l’Europe ou de l’Asie, dont ils sont si éloignez; d’ailleurs si les sauvages de l’Amérique septentrionale ressemblent aux Tartares parce qu’ils sont situez sous la même latitude, ceux-ci qui sont, comme les Nègres, sous la zone torride, ne leur ressemblent point, quelle est donc l’origine de ces peuples, & quelle est aussi la vraie cause de la différence de couleur dans les hommes, puisque celle de l’influence du climat se trouve ici tout-à-fait démentie!
     Avant que de satisfaire, autant que je le pourrai, à ces questions, il faut continuer notre examen, & donner la description de ces hommes qui paroissent en effet si différens de ce qu’ils devroient être, si la distance du pôle étoit la cause principale de la variété qui se trouve dans l’espèce humaine; nous avons déjà donné celle des sauvages du nord & des sauvages du Canada*, ceux de la

* Voyez à ce sujet les voyages du Baron de la Hontan. La Haye, 1702; la relation de la Gaspesie, par le P. le Clercq, Récolet. Paris, 1691, pages 44 & 392; la description de la nouvelle France, par le P. Charlevois.  Paris, 1744, Tome I, pages 16 & suivantes. Tome III, pp. 24, 302, 310, 323; les Lettres édifiantes, Recueil XXIII, p. 203 & 242; & le voyage au pays des Hurons, par Gabriel Sabard Theodat, Récolet.  Paris, 1632, pages 128 & 178; le voyage de la nouvelle France, par Dierville.  Rouen, 1708, p. 122 jusqu’à 191; & les découvertes de M. de la Salle, publiées par M. le Chevalier Tonti. Paris, 1697, pages 24, 58, &c.

Floride

314 BUFFON’S

themselves of the same colour. With truth might the remark be made, if these usages were established; if savages did not often assemble they know not how, and disperse they know not why; if their chief did not cease to be so, whenever it suited their caprice, or his own; and if their language was not so simple as to be, with little variation, the language of every tribe.
     As they have but few ideas, their expressions turn upon things the most general, and objects the most common; and, though the majority of their expressions were different, yet the smallness of their number renders them easily understood; and more easily, therefore, may a savage learn the languages of all other savages, than the inhabitants of one polished nation acquire a bare comprehension of the language of any other nation equally civilized.
     Unnecessary as it may be to enlarge on the customs and manners of these pretended nations, yet it may be important to examine the nature of the individual. Of all animals a savage man is the most singular, the least known, and the most difficult to describe and so little are we qualified to distinguish the gifts of nature from what is acquired by education, art and imitation, that it would not be surprising to

find

494 HISTOIRE NATURELLE

Floride, du Mississipi & des autres parties méridionales du continent de l’Amérique septentrionale sont plus basanez que ceux du Canada, sans cependant qu’on puisse dire qu’ils soient bruns, l’huile & les couleurs dont ils se frottent le corps, les font paroître plus olivâtres qu’ils ne le sont en effet.  Coreal dit que les femmes de la Floride sont grandes, fortes & de couleur olivâtre comme les hommes, qu’elles ont les bras, les jambes & le corps peints de plusieurs couleurs qui sont ineffaçables, parce qu’elles ont été imprimées dans les chairs par le moyen de plusieurs piqûres, & que la couleur olivâtre des uns & des autres ne vient pas tant de l’ardeur du soleil que de certaines huiles dont, pour ainsi dire, ils se vernissent la peau; il ajoûte que ces femmes sont fort agiles, qu’elles passent à la nage de grandes rivières en tenant même leur enfant avec le bras, & qu’elles grimpent avec une pareille agilité sur les arbres les plus élevez*, tout cela leur est commun avec les femmes sauvages du Canada & des autres contrées de l’Amérique.  L’Auteur de l’histoire naturelle & morale des Antilles dit que les

* Voyez le voyage de Coreal. Paris, 1722, Tome I, page 36.

Apalachites,

NATURAL HISTORY. 315

find we had totally mistaken the picture of a savage, although it were presented to us in its real colours, and with its natural features.
     An absolute savage, such as a boy reared among bears, as mentioned by Conor, the young man found in the forest of Hanover, or the girl in the woods in France, would be a curious object to a philosopher; in observing which he might be able to ascertain the force of natural appetites; he would see the mind undisguised, and distinguish all its movements; and, possibly, he might discover in it more mildness, serenity, and peace, than in his own; he might also perceive, that virtue belongs more to the savage than to the civilized man, and that vice owes its birth to society.
     But let us return to our subject. If in North America there were none but savages, in Mexico and Peru we found a polished people, subjected to laws, governed by kings, industrious, acquainted with the arts, and not destitute of religion. They lived in towns where the civil government was superintended by the sovereign. These people, who were very populous, cannot be considered as new colonies sprung from individuals who had wandered from Europe or Asia, from which they

are

DE L’HOMME. 495

Apalachites, peuples voisins de la Floride, sont des hommes d’une assez grande stature, de couleur olivâtre, & bien proportionnez; qu’ils ont tous les cheveux noirs & longs, & il ajoûte que les Caraïbes ou Sauvages des isles Antilles sortent de ces Sauvages de la Floride, & qu’ils se souviennent même par tradition du temps de leur migration*.
     Les naturels des isles Lucaies sont moins basanez que ceux de Saint-Domingue & de l’isle de Cube, mais il reste si peu des uns & des autres aujourd’hui qu’on ne peut guère vérifier ce que nous en ont dit les premiers voyageurs qui ont parlé de ces peuples, ils ont prétendu qu’ils étoient fort nombreux & gouvernez par des espèces de chefs qu’ils appelloient Caciques, qu’ils avoient aussi des espèces de prêtres, de médecins ou de devins, mais tout cela est assez apocryphe, & importe d’ailleurs assez peu à notre histoire. Les Caraïbes en général sont, selon le P. du Tertre, des hommes d’une belle taille & de bonne mine; ils sont puissans, forts & robustes, très-dispos & très-sains; il y en a plusieurs qui ont le front plat & le nez aplati, mais cette forme du visage & du nez ne leur est pas naturelle, ce sont les pères & mères qui aplatissent ainsi la tête de l’enfant quelque temps après qu’il est né; cette espèce de caprice qu’ont les Sauvages d’altérer la figure naturelle de la tête, est assez générale dans toutes les nations sauvages:

* Voyez l’histoire naturelle & morale des isles Antilles. Rotterdam, 1658, page 351 & 356.

presque

316 BUFFON’S

are so remote; besides, though the Savages of North America resemble the Tartars, by their being situated in the same latitude, yet the natives of Mexico and Peru, though they live, like the Negroes, under the torrid zone, have not the smallest resemblance to them. Whence then, shall we trace the origin of these people? and whence proceeds the cause of the difference of colour in the human species, since the influence of climate is, in this case, entirely overthrown?
     Previous to answering these questions let us pursue our inquiries respecting the Savages of South America. Those of Florida, of the Mississippi, and of the other southern parts of this continent, are more tawny than those of Canada, though not positively brown, the oil and colours with which they rub their bodies, giving them an olive hue which does not naturally belong to them. Coreal says, that the women of Florida are tall, strong, and of an olive complexion, like the men; that they paint their arms, legs, and bodies, with several colours, which as they are imprinted into the flesh by little incisions, are indelible; and that the olive colour of both sexes proceeds not so much from the heat of the climate as from the

oils

496 HISTOIRE NATURELLE

presque tous les Caraïbes ont les yeux noirs & assez petits, mais la disposition de leur front & de leur visage les fait paroître assez gros; ils ont les dents belles, blanches & bien rangées, les cheveux longs & lisses, & tous les ont noirs, on n’en a jamais vû un seul avec des cheveux blonds; ils ont la peau basanée ou couleur d’olive, & même le blanc des yeux en tient un peu; cette couleur basanée leur est naturelle & ne provient pas uniquement, comme quelques Auteurs l’ont avancé, du rocou dont ils se frottent continuellement, puisque l’on a remarqué que les enfans de ces Sauvages qu’on a élevez parmi les Européens & qui ne se frottoient jamais de ces couleurs, ne laissoient pas d’être basanez & olivâtres comme leurs pères & mères; tous ces Sauvages ont l’air rêveur, quoiqu’ils ne pensent à rien, ils ont aussi le visage triste & ils paroissent êtres mélancoliques; ils sont naturellement doux & compatissans, quoique très-cruels à leurs ennemis; ils prennent assez indifféremment pour femmes leurs parentes ou des étrangères; leurs cousines germaines leur appartiennent de droit, & on en a vû plusieurs qui avoient en même temps les deux sœurs ou la mère & la fille, & même leur propre fille; ceux qui ont plusieurs femmes les voient tour à tour chacune pendant un mois, ou un nombre de jours égal, & cela suffit pour que ces femmes n’aient aucune jalousie; ils pardonnent assez volontiers l’adultère à leurs femmes, mais jamais à celui qui les a débauchées.  Ils se nourrissent de burgaux, de crabes, de tortues, de lézards, de serpens & de poissons qu’ils

assaisonnent

NATURAL HISTORY. 317

oils with which they varnish their skin. He adds, that the women are remarkably active; that they swim over great rivers with a child in their arms, and that they climb up the loftiest trees with equal agility. In all of these particulars they entirely resemble the savage women of Canada, and other countries of America.
     Speaking of the Apalachitos, a people in the vicinage of Florida, the author of the “Histoire Naturelle et Morale des Antilles,” says, that they are of a large stature, of an olive colour, and well proportioned; and that their hair is black and long. He adds, that the Caribbees, who inhabit the Antilles, are sprung from the savages of Florida, and that they even know, by tradition, the period of their migration.
     The natives of the Lucai islands are less tawny than those of St. Domingo and Cuba; but there remain so few of either that we can hardly verify what the first travellers mention of the inhabitants. It has been pretended that they were very numerous, and governed by chiefs whom they call caciques, that they had priests and physicians; but this is all very problematical, and is of little consequence to our history. The Caribbees, in general, according

to

DE L’HOMME. 497

assaisonnent avec du piment & de la farine de manioc*. Comme ils sont extrêmement paresseux & accoûtumez à la plus grande indépendance, ils détestent la servitude, & on n’a jamais pû s’en servir comme on se sert des Nègres; il n’y a rien qu’ils ne soient capables de faire pour se remettre en liberté, & lorsqu’ils voient que cela leur est impossible, ils aiment mieux se laisser mourir de faim & de mélancolie que de vivre pour travailler: on s’est quelquefois servi des Arrouagues qui sont plus doux que les Caraïbes, mais ce n’est que pour la chasse & pour la pêche, exercices qu’ils aiment, & auxquels ils sont accoûtumez dans leur pays; & encore faut-il, si l’on veut conserver ces esclaves sauvages, les traiter avec autant de douceur au moins que nous traitons nos domestiques en France, sans cela ils s’enfuient ou périssent de mélancolie.  Il en est à peu près de même des esclaves Bresiliens, quoique ce soient de tous les sauvages ceux qui paroissent être les moins stupides, les moins mélancoliques & les moins paresseux; cependant on peut en les traitant avec bonté les engager à tout faire, si ce n’est de travailler à terre, parce qu’ils s’imaginent que la culture de la terre est ce qui caractérise l’esclavage.
     Les femmes sauvages sont toutes plus petites que les hommes, celles des Caraïbes sont grasses & assez bien faites, elles ont les yeux & les cheveux noirs, le tour du

* Voyez l’Hist. gén. des Antilles, par le P. du Tertre, Tome II, page 453 jusqu’à 482. Voyez aussi les nouveaux voyages aux Isles. Paris, 1722.

visage

318 BUFFON’S

to Father du Tertre, are tall, and of a good aspect: they are potent, robust, active, and healthy. Numbers of them have flat foreheads and noses, but these features are entirely the work of the parents, soon after their birth. In all savage nations this caprice of altering the natural figure of the head is very frequent. Most of the Caribbees have little black eyes, beautiful white teeth, and long smooth black hair. Their skin is tawny, or olive, and even the whites of their eyes are rather of that hue. This is their natural colour, and not produced by the use of the rocoa, as some authors have asserted, for several of the children of these savages, who were educated among the Europeans, and not allowed the use of paint, retained the same complexion as their parents. The whole of this savage tribe, though their thoughts are seldom employed, have a pensive air. They are naturally mild and compassionate, though exceedingly cruel to their enemies. They esteem it indifferent whom they marry, whether relations or strangers. Their first cousins belong to them by right, and many have been known to have at one time two sisters, or a mother and her daughter, and even their own child. Those who have many wives

visit

498 HISTOIRE NATURELLE

visage rond, la bouche petite, les dents fort blanches, l’air plus gai, plus riant & plus ouvert que les hommes; elles ont cependant de la modestie & sont assez réservées; elles se barbouillent de rocou, mais elles ne se font pas les raies noires sur le visage & sur le corps comme les hommes; elles ne portent qu’un petit tablier de huit ou dix pouces de largeur sur cinq à six pouces de hauteur, ce tablier est ordinairement de toile de coton couverte de petits grains de verre; ils ont cette toile & cette rassade des Européens, qui en font commerce avec eux: ces femmes portent aussi plusieurs colliers de rassade, qui leur environnent le col & descendent sur leur sein; elles ont des brasselets de même espèce aux poignets & au dessus des coudes, & des pendans d’oreilles de pierre bleue ou de grains de verre enfilez: un dernier ornement qui leur est particulier, & que les hommes n’ont jamais, c’est une espèce de brodequins de toile de coton garnis de rassade, qui prend depuis la cheville du pied jusqu’au dessus du gras de jambe; dès que les filles ont atteint l’âge de puberté, on leur donne un tablier, & on leur fait en même temps des brodequins aux jambes, qu’elles ne peuvent jamais ôter, ils sont si serrez qu’ils ne peuvent ni monter ni descendre, & comme ils empêchent le bas de la jambe de grossir, les molets deviennent beaucoup plus gros & plus fermes qu’ils ne le seroient naturellement*.
     Les peuples qui habitent actuellement le Mexique &

* Voyez les nouveaux voyages aux Isles, Tome II, page 8 & suit.

la nouvelle

NATURAL HISTORY. 319

visit them in turn, and stay a month, or a certain numbers of days, which precludes all jealousy among the women. They readily forgive their wives for adultery, but are implacable enemies to the man who debauches them. They feed on lizards, serpents, crabs, turtles and fishes, which they season with pimento, and the flower of manioc. Lazy to an excess, and accustomed to the greatest independence, they detest slavery, and can never be rendered so useful as the Negroes. For the preservation of their liberty they make every exertion; and when they find it impossible, will rather die of hunger or despair than live and be obliged to work. Attempts have been made to employ the Arrouaguas, who are milder than the Caribbees, but who are only fit for hunting and fishing; exercises of which, being accustomed to them in their own country; they are particularly fond. If these savages are not used with at least as much mildness as domestics generally are in the civilized nations of Europe, they either run away or pine themselves to death. Nearly the same is it with the slaves of Brazil; of all Savages these seem to be the least stupid, indolent, or melancholy. Treated with gentleness, however, they will

do

DE L’HOMME. 499

la nouvelle Espagne, sont si mêlez, qu’à peine trouve-t on deux visages qui soient de la même couleur; il y a dans la ville de Mexico des blancs d’Europe, des Indiens du nord & du sud de l’Amérique, des nègres d’Afrique, des mulâtres, des métis, en sorte qu’on y voit des hommes de toutes les nuances de couleurs qui peuvent être entre le blanc & le noira. Les naturels du pays sont fort bruns & de couleur d’olive, bien faits & dispos, ils ont peu de poil, même aux sourcils, ils ont cependant tous les cheveux fort longs & fort noirsb.
     Selon Wafer, les habitans de l’isthme de l’Amérique sont ordinairement de bonne taille & d’une jolie tournure, ils ont la jambe fine, les bras bien faits, la poitrine large, ils sont actifs & légers à la course; les femmes sont petites & ramassées, & n’ont pas la vivacité des hommes, quoique les jeunes aient de l’embonpoint, la taille jolie & l’œil vif: les uns & les autres ont le visage rond, le nez gros & court, les yeux grands, & pour la plûpart gris, pétillans & pleins de feu, sur-tout dans la jeunesse, le front élevé, les dents blanches & bien rangées, les lèvres minces, la bouche d’une grandeur médiocre, & en gros, tous les traits assez réguliers. Ils ont aussi tous, hommes & femmes, les cheveux noirs, longs, plats & rudes, & les hommes auroient de la barbe s’ils ne se la faisoient arracher; ils ont le teint basané, de couleur de cuivre jaune ou d’orange, & les sourcils noirs comme du jais.

a Voyez les Lettres édifiantes. Recueil XI, page 119.
b Voyez les voyages de Coreal, Tome I, page 116.

Ces

320 BUFFON’S

do whatever they are desired, unless it be to cultivate the ground, for tillage they conceive to be the characteristic badge of slavery.
     Savage women are all smaller than the men. Those of the Caribbees are fat, and tolerably handsome; their eyes and hair are black, their visage round, their month small, their teeth white, and their carriage more gay, cheerful, and open, than that of the men. Yet are they modest and reserved. They daub themselves with rocoa, but do not, like the men, make black streaks upon the face and body. Their dress consists of a kind of apron, in breadth about eight or ten inches, and in length about five or six. This apron is generally made of calico, and covered with small glass beads, both which commodities they purchase from the Europeans. They likewise wear necklaces, which descend over the breast, as also bracelets round the wrists and elbows, and pendants in their ears, of blue stone, or of glass beads. Another ornament peculiar to the sex is, a kind of buskin, made of calico, and garnished with glass beads, which extends from the ankle to the calf of the leg. On their attaining the age of puberty the girls receive an apron and a pair of buskins, which are made

exactly

500 HISTOIRE NATURELLE

     Ces peuples que nous venons de décrire, ne sont pas les seuls habitans naturels de l’Isthme, on trouve parmi eux des hommes tout différens, & quoiqu’ils soient en très-petit nombre, ils méritent d’être remarquez: ces hommes sont blancs, mais ce blanc n’est pas celui des Européens, c’est plûtôt un blanc de lait, qui approche beaucoup de la couleur du poil d’un cheval blanc; leur peau est aussi toute couverte, plus ou moins, d’une espèce de duvet court & blancheâtre, mais qui n’est pas si épais sur les joues & sur le front, qu’on ne puisse aisément distinguer la peau; leurs sourcils sont d’un blanc de lait, aussi-bien que leurs cheveux qui sont très-beaux, de la longueur de sept à huit pouces & à demi-frisez. Ces Indiens, hommes & femmes, ne sont pas si grands que les autres, & ce qu’ils ont encore de très-singulier, c’est que leurs paupières sont d’une figure oblongue, ou plûtôt en forme de croissant dont les pointes tournent en bas; ils ont les yeux si foibles qu’ils ne voient presque pas en plein jour, ils ne peuvent supporter la lumière du soleil, & ne voient bien qu’à celle de la lune: ils sont d’une complexion fort délicate en comparaison des autres Indiens, ils craignent les exercices pénibles, ils dorment pendant le jour & ne sortent que la nuit; & lorsque la lune luit, ils courent dans les endroits les plus sombres des forêts aussi vîte que les autres le peuvent faire de jour, à cela près qu’ils ne sont ni aussi robustes ni aussi vigoureux. Au reste ces hommes ne forment pas une race particulière & distincte, mais il arrive quelquefois qu’un père &

une

NATURAL HISTORY. 321

exactly to their legs and cannot be removed; and as they prevent the increase of the under part of the leg, the upper parts naturally grow larger than they would otherwise have done.
     So intermixed are the present inhabitants of Mexico and Peru, that we rarely meet with two faces of the same colour. In the town of Mexico, there are Europeans, Indians from north and south America, negroes from Africa, and mulattoes of every kind, insomuch that the people exhibit every kind of shade between black and white. The natives of the country are brown, or olive, well made and active. Though they have little hair, even on their eyebrows, yet that upon their head is very long, and very black.
     According to Wafer, the natives of the Isthmus of America are commonly tall and handsome; their limbs are well shaped, chest large, and at the chase they are active and nimble. The women are short, squat, and less vivacious than the men; though the young ones are tolerably comely, and have lively eyes. Of both the face is round; the nose thick and short, the eyes large, mostly grey, and full of fire; the forehead high; the teeth white and regular; the lips thin; the mouth of a moderate

size;

DE L’HOMME. 501

une mère qui sont tous deux couleur de cuivre jaune, ont un enfant tel que nous venons de le décrire. Wafer qui rapporte ces faits, dit qu’il a vû lui-même un de ces enfans qui n’avoit pas encore un an*.
     Si cela est, cette couleur & cette habitude singulière du corps de ces Indiens blancs, ne seroient qu’une espèce de maladie qu’ils tiendroient de leurs pères & mères; mais en supposant que ce dernier fait ne fût pas bien avéré, c’est-à-dire, qu’au lieu de venir des Indiens jaunes ils fissent une race à part, alors ils ressembleroient aux Chacrelas de Java, & aux Bedas de Ceylan, dont nous avons parlé; ou si ce fait est bien vrai, & que ces blancs naissent en effet de pères & mères couleur de cuivre, on pourra croire que les Chacrelas & les Bedas viennent aussi de pères & mères basanez, & que tous ces hommes blancs qu’on trouve à de si grandes distances les uns des autres, sont des individus qui ont dégénéré de leur race par quelque cause accidentelle.
     J’avoue que cette dernière opinion me paroît la plus vrai-semblable, & que si les voyageurs nous eussent donné des descriptions aussi exactes des Bedas & des Chacrelas que Wafer l’a fait des Dariens, nous eussions peut-être reconnu qu’ils ne pouvoient pas plus que ceux-ci, être d’origine Européenne. Ce qui me paroît appuyer beaucoup cette manière de penser, c’est que parmi les Nègres il naît aussi des blancs de pères & mères noirs; on trouve la description de deux de ces Nègres blancs

* Voyez les voyages de Dampier, Tome 4, page 252.

dans

322 BUFFON’S

size; and, in general, all their features are tolerably regular. They have black, long, and straight hair; and the men would have beards did they not pluck them out: their colour is tawny and their eye-brows are as black as jet.
     These people are not the only natives of this Isthmus, for we find among them men who are white; but their colour is not the white of Europeans, but rather resembles that of milk, or the hairs of a white horse. Their skin is covered with a kind of short and whitish down, which on the cheeks and forehead is not so thick but the skin may be seen. The hair upon their head and eye-brows is perfectly white; the former is rather frizled, and from seven to eight inches long. They are not so tall as the other Indians; and, what is singular, their eye-lids are of an oblong figure, or rather in the form of a crescent, whose points turn downwards. So weak are their eyes, that they cannot support the light of the sun, and they see best by that of the moon. Their complexion is exceedingly delicate. To all laborious exercises they are averse; they sleep through the day, and never stir abroad till night. If the moon shines, they scamper through the forests as nimbly as the others can in the day. These men do not

form

502 HISTOIRE NATURELLE

dans l’histoire de l’Académie, j’ai vû moi-même l’un des deux, & on assure qu’il s’en trouve un assez grand nombre en Afrique parmi les autres Nègres*. Ce que j’en ai vû, indépendamment de ce qu’en disent les voyageurs, ne me laisse aucun doute sur leur origine; ces Nègres blancs sont des Nègres dégénérez de leur race, ce ne sont pas une espèce d’hommes particulière & constante, ce sont des individus singuliers qui ne sont qu’une variété accidentelle, en un mot, ils sont parmi les Nègres ce que Wafer dit que nos Indiens blancs sont parmi les Indiens jaunes, & ce que sont apparemment les Chacrelas & les Bedas parmi les Indiens bruns: ce qu’il y a de plus singulier, c’est que cette variation de la Nature ne se trouve que du noir au blanc, & non pas du blanc au noir; car elle arrive chez les Nègres, chez les Indiens les plus bruns, & aussi chez les Indiens les plus jaunes, c’est-à-dire, dans toutes les races d’hommes qui sont les plus éloignées du blanc, & il n’arrive jamais chez les blancs qu’il naisse des individus noirs: une autre singularité, c’est que tous ces peuples des Indes orientales, de l’Afrique & de l’Amérique, chez lesquels on trouve ces hommes blancs, sont tous sous la même latitude; l’isthme de Darien, le pays des Nègres & Ceylan sont absolument sous le même parallèle.  Le blanc paroît donc être la couleur primitive de la Nature, que le climat, la nourriture & les mœurs altèrent & changent, même jusqu’au jaune, au brun ou au noir, & qui reparoît dans de

* Voyez la Vénus physique. Paris, 1745.

certaines

NATURAL HISTORY. 323

form a particular and distinct race, as it sometimes happens, that from parents who are both of a copper-colour one of these children is produced. Wafer, who relates these facts, says, that he saw a child, not a year old, who had been thus produced.
     If this were the case, the strange colour, and temperament of these white Indians, can only be a kind of malady, which they inherit from their parents. But if, instead of being sprung from the yellow Indians, they formed a separate race, then would they resemble the Chacrelas of Java, and the Bedas of Ceylon, whom we have already mentioned. If, on the other hand, these white people are actually born of copper-coloured parents, we shall have reason to believe, that the Chacrelas and the Bedas originate also from parents of the same colour; and that all the white men, whom we find at such distances from each other, are individuals who have degenerated from their race by some accidental cause.
     This last opinion, I own, appears to me the most probable; and had travellers given us as exact descriptions of the Bedas and Chacrelas, as Wafer has done of the Dariens, we should, perhaps, have discovered that they

were

DE L’HOMME. 503

certaines circonstances, mais avec une si grande altération, qu’il ne ressemble point au blanc primitif, qui en effect a été dénaturé par les causes que nous venons d’indiquer.
     En tout, les deux extrêmes se rapprochent presque toûjours, la Nature aussi parfaite qu’elle peut l’être, a fait les hommes blancs, & la Nature altérée autant qu’il est possible, les rend encore blancs; mais le blanc naturel ou blanc de l’espèce est fort différent du blanc individuel ou accidentel; on en voit des exemples dans les plantes aussi-bien que dans les hommes & les animaux, la rose blanche, la géroflée blanche, &c. sont bien différentes, même pour le blanc, des roses ou des géroflées rouges, qui dans l’automne deviennent blanches, lorsqu’elles ont souffert le froid des nuits & les petites gelées de cette saison.
     Ce qui peut encore faire croire que ces hommes blancs ne sont en effet que des individus qui ont dégénéré de leur espèce, c’est qu’ils sont tous beaucoup moins forts & moins vigoureux que les autres, & qu’ils ont les yeux extrêmement foibles; on trouvera ce dernier fait moins extraordinaire, lorsqu’on se rappellera que parmi nous les hommes qui sont d’un blond blanc, ont ordinairement les yeux foibles, j’ai aussi remarqué qu’ils avoient souvent l’oreille dure: & on prétend que les chiens qui sont absolument blancs & sans aucune tache, sont sourds, je ne sais si cela est généralement vrai, je puis seulement assurer que j’en ai vû plusieurs qui l’étoient en effet.

Les

324 BUFFON’S

were no more of European origin than the latter. This opinion receives great weight from the fact that negroes sometimes have white children. Of two of those white negroes we have a description in the history of the French Academy; one of the two I saw myself, and am assured there are many to be met with among the other negroes of Africa.
     From what I have myself observed, independent of the information of travellers, I have no doubt, but that they are only negroes degenerated from their race, and not a peculiar and established species of men. In a word, they are among the negroes, what Wafer says, the white Indians are among the yellow Indians of Darien, and what the Chacrelas and the Bedas are among the brown Indians of the East. Still more singular is it that this variation never happens but from black to white, and also that all the nations of the East Indies, of Africa, and of America, in which these white men are found, are in the same latitude. The isthmus of Darien, the country of the negroes, and Ceylon, are absolutely under the same line. White then appears to be the primitive colour of Nature, which climate, food, and manners, alter, and even change into

yellow,

504 HISTOIRE NATURELLE

     Les Indiens du Pérou sont aussi couleur de cuivre comme ceux de l’Isthme, sur-tout ceux qui habitent le bord de la mer & les terres basses, car ceux qui demeurent dans les pays élevez, comme entre les deux chaînes des Cordillères, sont presque aussi blancs que les Européens; les uns sont à une lieue de hauteur au dessus des autres, & cette différence d’élévation sur le globe fait autant qu’une différence de mille lieues en latitude pour la température du climat. En effet, tous les Indiens naturels de la terre ferme, qui habitent le long de la rivière des Amazones & le continent de la Guiane, sont basanez & de couleur rougeâtre, plus ou moins claire: la diversité de la nuance, dit M. de la Condamine, a vrai semblablement pour cause principale la différente température de l’air des pays qu’ils habitent, variée depuis la plus grande chaleur de la zone torride jusqu’au froid causé par le voisinage de la neigea. Quelques-uns de ces Sauvages, comme les Omaguas, aplatissent le visage de leurs enfans, en leur serrant la tête entre deux planchesb; quelques autres se percent les narines, les lèvres ou les joues, pour y passer des os de poissons, des plumes d’oiseaux & d’autres ornemens; la plûpart se percent les oreilles, se les agrandissent prodigieusement, & remplissent le trou du lobe d’un gros bouquet de fleurs ou d’herbes qui leur sert de pendans d’oreillesc. Je ne dirai rien de ces Amazones

a Voyez le voyage de l’Amérique méridionale, en descendant la rivière des Amazones, par M. de la Condamine. Paris, 1745, page 49.
b Idem, page 72.
c Idem, page 48 & suivantes.

dont

NATURAL HISTORY. 325

yellow, brown, or black; and which, in certain circumstances, reappears, though by no means equal to its original whiteness on account of its corruption from the causes here mentioned.
     Nature, in her full perfection, made men white; and, reduced to the last stage of adulteration, she renders them white again. But the natural white is widely different from the individual, or accidental white. In plants, as well as in men and animals, do we find examples of this fact. The white rose, &c. differs greatly in point of whiteness from the red rose, which becomes white by the cold evenings and frosty chills of autumn.
     A further proof that these white men are merely degenerated individuals, is their being less strong and vigorous than others, and their eyes being extremely weak. The fact will appear less extraordinary, when we recollect, that, among ourselves, very fair men have very weak eyes, and that such people are often slow of hearing. It is pretended that dogs absolutely white, are deaf. Whether the observation is generally just, I know not, but in a number of instances I have seen it confirmed.

The

DE L’HOMME. 505

dont on a tant parlé, on peut consulter à ce sujet ceux qui en ont écrit; & après les avoir lûs, on n’y trouvera rien d’assez positif pour constater l’existence actuelle de ces femmesa.
     Quelques voyageurs font mention d’une nation dans la Guiane, dont les hommes sont plus noirs que tous les autres Indiens: les Arras, dit Raleigh, sont presque aussi noirs que les Nègres, ils sont fort vigoureux, & ils se servent de flèches empoisonnées: cet auteur parle aussi d’une autre nation d’Indiens qui ont le col si court & les épaules si élevées, que leurs yeux paroissent être sur leurs épaules, & leur bouche dans leur poitrineb; cette difformité si monstrueuse n’est sûrement pas naturelle, & il y a grande apparence que ces Sauvages qui se plaisent tant à défigurer la Nature en aplatissant, en arrondissant, en alongeant la tête de leurs enfans, auront aussi imaginé de leur faire rentrer le col dans les épaules; il ne faut pour donner naissance à toutes ces bizarreries, que l’idée de se rendre par ces difformités, plus effroyables & plus terribles à leurs ennemis.  Les Scythes, autrefois aussi sauvages que le sont aujourd’hui les Américains, avoient apparemment les mêmes idées qu’ils réalisoient de la même façon; & c’est ce qui a sans doute donné

a Voyez le voyage de M. de la Condamine, page 101 jusqu’à 113; la relation de la Guiane par Walter Raleigh, tome II des voyages de Coreal, page 25; la relation du P. d’Acuña, traduite par Gomberville. Paris, 1682, volume I, page 237; les Lettres édifiantes, Recueil X, page 241, & Recueil XII, page 213; les voyages de Mocquet, page 101 jusqu’à 105, &c.
b Voyez le second tome des voyages de Coreal, pages 58 & 59.

lieu

326 BUFFON’S

     The Indians of Peru, like the natives of the Isthmus, are copper-coloured; those especially who live near the sea, and in the plains. Those who live between the two ridges of the Cordeliers, are almost as white as the Europeans. Some live in Peru more than a league higher than others; and which elevation, with respect to the temperature of the climate, is equal to twenty leagues in latitude. All the native Indians, who dwell along the river of the Amazons, and in Guiana are tawny, and more or less red. The diversity of shades, says M. de la Condamine, is principally occasioned by the different temperature of the air, varied as it is, from the extreme heat of the torrid zone, to the cold occasioned by the vicinage of snow. Some of these Savages, as the Omaguas, flatten the visages of their children, by compressing the head between two planks; others pierce the nostrils, lips, or checks, for the reception of the bones of fishes, feathers, and other ornaments; and the greatest part bore their ears, and fill the hole with a large bunch of flowers, or herbs, which serves them for pendants. With respect to the Amazons, about whom so much has been said, I shall be silent. To those who have written on the subject I refer the

reader;

506 HISTOIRE NATURELLE

lieu à ce que les Anciens ont écrit au sujet des hommes acéphales, cynocéphales, &c.
     Les Sauvages du Bresil sont à peu près de la taille des Européens, mais plus forts, plus robustes & plus dispos; ils ne sont pas sujets à autant de maladies, & ils vivent communément plus long-temps: leurs cheveux, qui sont noirs, blanchissent rarement dans la vieillesse; ils sont basanez, & d’une couleur brune qui tire un peu sur le rouge; ils ont la tête grosse, les épaules larges & les cheveux longs; ils s’arrachent la barbe, le poil du corps, & même les sourcils & les cils, ce qui leur donne un regard extraordinaire & farouche; ils se percent la lèvre de dessous pour y passer un petit os poli comme de l’ivoire, ou une pierre verte assez grosse; les mères écrasent le nez de leurs enfans peu de temps après la naissance; ils vont tous absolument nus, & se peignent le corps de différentes couleurs*. Ceux qui habitent dans les terres voisines des côtes de la mer, se sont un peu civilisez par le commerce volontaire ou forcé qu’ils ont avec les Portugais, mais ceux de l’intérieur des terres sont encore, pour la plûpart, absolument sauvages; ce n’est pas même par la force & en voulant les réduire à un dur esclavage, qu’on vient à bout de les policer, les missions ont formé

* Voyez le voyage fait au Bresil, par Jean de Lery. Paris, 1578, p. 108; le voyage de Coreal, Tome I, page 163 & suivantes; les mémoires pour servir à l’histoire des Indes. 1702, page 287; l’histoire des Indes de Massée, Paris, 1665, page 71; la seconde partie des voyages de Pyrard, Tome II, page 337; les Lettres édifiantes, Receuil XV, page 351, &c.

plus

NATURAL HISTORY. 327

reader; and when he has perused them he will not find sufficient proof to evince the actual existence of such women.
     Some authors, mention a nation in Guiana of which the natives are more black than any other Indians. The Arras, says Raleigh, are almost as black as the Negroes, are vigorous, and use poisoned arrows. This author mentions likewise another nation of Indians, who have necks so short, and shoulders so elevated, that their eyes appear to be upon the latter, and their mouths in their breast. This monstrous deformity cannot be natural; and it is probable that savages, who are so pleased in disfiguring nature by flattening, rounding, and lengthening the head, might likewise contrive to sink it into the shoulders. These fantasies might arise from an idea that, by rendering themselves deformed, they became more dreadful to their enemies. The Scythians, formerly, as savage as the American Indians are now, evidently entertained the same ideas, and realized them in the same manner; which no doubt is the foundation of what the ancients have written about such men as they termed acephali, cynocephali, &c.

The

DE L’HOMME. 507

plus d’hommes dans ces nations barbares, que les armées victorieuses des Princes qui les ont subjuguées: le Paraguai n’a été conquis que de cette façon; la douceur, le bon exemple, la charité & l’exercice de la vertu, constamment pratiquez par les Missionnaires, ont touché ces Sauvages, & vaincu leur défiance & leur férocité; ils sont venus souvent d’eux-mêmes demander à connoître la loi qui rendoit les hommes si parfaits, ils se sont soûmis à cette loi & réunis en société: rien ne fait plus d’honneur à la religion que d’avoir civilisé ces nations & jeté les fondemens d’un empire, sans autres armes que celles de la vertu.
     Les habitans de cette contrée du Paraguai ont communément la taille assez belle & assez élevée, ils ont le visage un peu long & la couleur olivâtrea. Il règne quelquefois parmi eux une maladie extraordinaire, c’est une espèce de lèpre qui leur couvre tout le corps, & y forme une croûte semblable à des écailles de poisson; cette incommodité ne leur cause aucune douleur, ni même aucun autre dérangement dans la santéb.
     Les Indiens du Chili sont, au rapport de M. Frezier, d’une couleur basanée, qui tire un peu sur celle du cuivre rouge, comme celle des Indiens du Pérou: cette couleur est différente de celle des mulâtres; comme ils viennent d’un blanc & d’une négresse, ou d’une blanche & d’un

a Voyez les voyages de Coreal, Tome I, pages 240 & 259; les Lettres édifiantes, Recueil XI, page 391, Recueil XII, page 6.
b Voyez les Lettres édifiantes, Recueil XXV, page 122.

nègre,

328 BUFFON’S

     The Savages of Brazil are nearly of the size of the Europeans, but are more vigorous, robust, and alert: they are also subject to fewer diseases, and live longer. Their hair, which is black, seldom whitens with age. They are of a copper-colour, inclining to red: their heads are large, shoulders broad, and hair long. They pluck out their beard, the hair upon the body, and even the eye-brows, from which they acquire an extraordinary fierce look. They pierce the under lip, to ornament it with a little bone polished like ivory, or with a green stone. The mothers crush the noses of their children, presently after they are born; they all go absolutely naked, and paint their bodies of different colours. Those who inhabit the countries adjacent to the sea are somewhat civilized by the commerce which they carry on with the Portuguese; but those of the inland places are still absolute savages. It is not by force that savages have become civilized, their manners have been much more softened by the arguments of missionaries, than by the arms of the princes by whom they were subdued. In this manner Paraguay was subdued: the mildness, example, and virtuous

conduct,

508 HISTOIRE NATURELLE

nègre, leur couleur est brune, c’est-à-dire, mêlée de blanc & de noir, au lieu que dans tout le continent de l’Amérique méridionale les Indiens sont jaunes ou plûtôt rougeâtres; les habitans du Chili sont de bonne taille: ils ont les membres gros, la poitrine large, le visage peu agréable & sans barbe, les yeux petits, les oreilles longues, les cheveux noirs, plats & gros comme du crin; ils s’alongent les oreilles, & ils s’arrachent la barbe avec des pinces faites de coquilles; la plûpart vont nus, quoique le climat soit froid, ils portent seulement sur leurs épaules quelques peaux d’animaux. C’est à l’extrémité du Chili, vers les terres Magellaniques, que se trouve, à ce qu’on prétend, une race d’hommes dont la taille est gigantesque; M. Frezier dit avoir appris de plusieurs Espagnols qui avoient vû quelques-uns de ces hommes, qu’ils avoient quatre varres de hauteur, c’est-à-dire, neuf ou dix pieds; selon lui, ces géans appellez Patagons, habitent le côté de l’est de la côte déserte dont les anciennes relations ont parlé, qu’on a ensuite traitées de fables, parce que l’on a vû au détroit de Magellan des Indiens dont la taille ne surpassoit pas celle des autres hommes: c’est, dit-il, ce qui a pû tromper Froger dans sa relation du voyage de M. de Gennes; car quelques vaisseaux ont vû en même-temps les uns & les autres: en 1709 les gens du vaisseau le Jacques, de Saint-Malo, virent sept de ces géans dans la baie Grégoire, & ceux du vaisseau le Saint-Pierre, de Marseille, en virent six, dont ils s’approchèrent pour leur offrir du pain, du vin & de l’eau-de-vie, qu’ils

refuserent

NATURAL HISTORY. 329

conduct, of the missionaries touched the hearts of its savages, and triumphed over their distrust and ferocity. They often, of themselves, desired to be made acquainted with that law, which rendered men so perfect, submitted to its precepts, and united in society. Nothing can reflect greater honour on religion, than its having civilized these nations, and laid the foundations of an empire, without any arms but those of virtue and humanity.
     The inhabitants of Paraguay are commonly tall and handsome; their visage long, and their colour olive. There sometimes rages among them a very uncommon distemper. It is a kind of leprosy, which covers the whole of their body with a crust similar to the scales of fish, and from which they experience no pain, nor even interruption of health.
     According to Frezier, the Indians of Chili are of a tawny or coppery complexion, but different from Mulattoes, who being produced by a white man and negro-woman, or a white woman and a negro-man, their colour is brown, or a mixture of white and black. In South America, on the other hand, the Indians are yellow, or rather reddish. The natives of

Chili

DE L’HOMME. 509

refuserent quoiqu’ils eussent donné à ces Matelots quelques fléches, & qu’ils les eussent aidez à échouer le canot du navirea. Au reste, comme M. Frezier ne dit pas avoir vû lui-même aucun de ces géans, & que les relations qui en parlent sont remplies d’exagérations sur d’autres choses, on peut encore douter qu’il existe en effet une race d’hommes toute composée de géans, sur-tout lorsqu’on leur supposera dix pieds de hauteur; car le volume du corps d’un tel homme seroit huit fois plus considérable que celui d’un homme ordinaire; il semble que la hauteur ordinaire des hommes étant de cinq pieds, les limites ne s’étendent guère qu’à un pied au dessus & au dessous; un homme de six pieds est en effet un très-grand homme, & un homme de quatre pieds est très-petit; les géans & les nains qui sont au dessus & au dessous de ces termes de grandeur, doivent être regardez comme des variétés individuelles & accidentelles, & non pas comme des différences permanentes qui produiroient des races constantes.
     Au reste, si ces géans des terres Magellaniques existent, ils sont en fort petit nombre, car les habitans des terres du détroit & des isles voisines sont des Sauvages d’une taille médiocre; ils sont de couleur olivâtre, ils ont la poitrine large, le corps assez quarré, les membres gros, les cheveux noirs & platsb; en un mot, ils ressemblent

a Voyez le voyage de M. Frezier. Paris, 1732, page 75 & suiv.
b Voyez le voyage du Cap Narbrugh, second volume de Coreal, pages 231 & 284; l’histoire de la conquête des Molucques, par Argensola, Tome I, pages 35 & 255; le voyage de M. de Gennes, par Froger, page 97; le recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la Comp. de Holl .Tome I, page 651; les voyages du Capitaine Wood, cinquième volume de Dampier, page 179, &c.

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Miriam Claude Meijer, Ph.D.
12/03/05
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