L'HÉRITAGE ET LES LEGS DE LA "DEVOTIO MODERNA"

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Hermann Giguère
(Québec) 2001


À la fin du Moyen-Age, il se produit un changement profond dans la spiritualité. La spiritualité espagnole du XVIe siècle et sera profongément influencée, mais aussi l'ensemble de la spiritualité catholique jusqu'en 1960, par le rrayonnement du livre "l'Imitation de Jésus Christ", le livre le plus édité depuis la fin du Moyen-Age, à part la Bible.

On pourrait appeler ce changement le "divorce entre théologie et spiritualité". Ce "divorce" est provoqué à la fin du XIVe siècle par les excès de la théologie scolastique décadente. La spiritualité prend la place de la théologie trop formaliste et dominée par le nominalisme théologique impuissant à nourrir la piété chrétienne t.

La théologie ne jouait plus son rôle d'inspiratrice, mais elle était desséchée. Elle était impuissante aussi à réagir contre les déviations de la piété populaire nombreuses, tel le satanisme, la superstition, dans cette période d'épidémie, de crainte de la mort, de pessimisme qui s'installe: on l'attribue à Satan.

On sort de la grande tradition patristique où la théologie et la spiritualité sont une même chose. A partir de cette période, il y a donc division entre théologiens et spirituels. Cela provient d'une théologie scolastique, des commentateurs de Thomas d'Aquin, tel Jean de St-Thomas et Cajetan. Ils détaillaient et précisaient trop Thomas, d'où excès.

L'audace évangélique de la Devotio moderna vient d'un groupe de laïcs. Cela annonce celle de François de Sales à Genève: la réforme doit se faire par voie de persuasion et d'exemple dans cette Eglise infestée de maux de tout genre. C'est la fin de l'exil du pape à Avignon, du grand schisme, du concile de Pise au XVe siècle, de la cupidité chez les clercs, des deux papes, de la simonie, du peu de retenue morale, du peu d'observance du célibat ecclésiastique même à la cour de Rome qui ne donne pas l'exemple en ce genre de choses.

Les gens de la Devotio moderna sont de là: ils veulent réformer l'Eglise de l'intérieur et ils vont partager le souci des réformateurs. Dans ce contexte historique: peste noire, guerre de Cent ans, Jeanne d'Arc brûlée sur le bûcher en 1451 et réhabilitée en 1456, du grand schisme d'Occident en 1378 et de sa fin le 11 novembre 1419 à Constance, de la levée de fonds en Allemagne (indulgences pour bâtir St-Pierre de Rome). Il y avait beaucoup de scandales et de découragement dans le peuple. de plus en plus, l'Eglise comme institution trouve devant elle des princes qui veulent leur autonomie.

Au Moyen-Age, époque médiévale, il y a une faille. Avant, le politique, le social et le religieux étaient toujours mêlés un peu comme en Iran actuellement. C'est un mélange de type totalitaire. La dissidence n'était pas imaginable à cette époque. Le sommet est la Révolution Française en 1789, mais nous sommes présentement au XIVe et XVe siècle. L'Ecole de la Devotio moderna se situe surtout au XIVe siècle.

1. Ce qu'elle est: cette Devotio Moderna

Avec le mot "dévotion", aujourd'hui, on pense surtout à pieux, piété, quelqu'un qui a de la dévotion. Mais ici, c'est dans un sens plus ancien. Ca vient du mot latin "de voveo" qui signifie vouer, consacrer une chose ou une personne à Dieu. Sens de consécration, de dédication à un dieu. Action de dédicacer quelqu'un au service des dieux.

Chez les Romains, cela signifie: se consacrer au service de l'Empereur. Cela signifie aussi une certaine disposition de fidélité à l'égard d'une personne à laquelle on est attaché. Se dévouer à une cause, dit-on encore aujourd'hui.

La devotio, devenue chrétienne, a un sens d'obéissance dans le culte et le service de Dieu. La dévotion est parmi les actes de la vertu de religion. Au Moyen-Age, ce sens du mot concerne moins des sentiments intérieurs que cette consécration au service de Dieu. En deuxième lieu, il s'ajoutera des sens secondaires: sentiments, ferveur, piété, foi, c'est-à-dire au sens de piété et de dévotion d'aujourd'hui.

Ce sens était très riche. On dit: moderne, dans le sens de nouveau. C'était un idéal spirituel, un mouvement, une école de spiritualité née dans le milieu flamand: Hollande en particulier, puis en Belgique, apparentée à l'Espagne et qui s'appelait Pays-Bas, avec des influences en Allemagne et en particulier en France. Les ouvrages furent écrits en néerlandais, en moyen allemand et en latin.

C'est la spiritualité des Frères et des Soeurs de la Vie Commune et aussi des Chanoines réguliers de Windesheim, lesquels sont la branche religieuse du mouvement et sont devenus une communauté de plus de cent monastères. C'est plus qu'une réaction contre une spiritualité trop spéculative et contre la décadence des moeurs, plus qu'une idée de réforme par exemple. C'est une conséquence du tempérament flamand. Les Flamands, en effet, sont des gens très pratiques, efficaces, organisateurs, commerçants. Par exemple, les compagnies Shell et Philipps sont hollandaises. Ils ont aussi de la modération.

C'est parallèle au mouvement de spiritualité anglaise de cette période: Julienne de Norwitch, The Cloud of Unknowing, Walter Hilton, Richard Rolle. Ils ne dédaignent pas l'aspect mystique, tel "Le Nuage d'inconnaissance".
C'est une école de spiritualité qui sera très peu attirée par les théories abstraites, mais pragmatique et pratique. Elle aura un lien avec l'école des Rhéno-flamands par Ruysbroeck qui est dans un certain prolongement de Tolère, Suso, Maître Eckart. La Devotio moderna est un mouvement de renouveau de vie chrétienne.

Trois Points:

1. Ce sera une manière de vivre par de nouveaux groupes de personnes, hommes et femmes, regroupés pour vivre évangéliquement. Comme plus tard, saint François de Sales qui fera une spiritualité pour les laïcs. Le sens est que pour vivre évangéliquement, il n'est pas nécessaire d'entrer dans un monastère, mais de former des fraternités, de garder leur travail; ils ne font pas de voeux, mais vivent ensemble, à fond, l'Evangile en donnant l'exemple.

2. Ca deviendra aussi la formule de vie des chanoines de Windesheim qui s'adonnaient à la vie contemplative et étaient copistes de livres. Ces chanoines existaient avant, mais furent fascinés par ces laïcs

3. Une force spirituelle va rayonner et porter la réforme de beaucoup de maisons religieuses, hommes et femmes, déchues, en Allemagne. Dans ce sens, la Devotio moderna s'attaque aux abus et aux vices,les mêmes contre lesquels les réformateurs du XVIe siècle, Luther par exemple, vont combattre.

Le BUT: la perfection de la charité avant tout. Pour eux, le but suprême n'est pas la contemplation, mais la perfection de la charité. On insistait pour que la contemplation passe par le dépouillement, l'ascèse, etc. D'où l'accent mis:

L'ACCENT: il est mis sur les exercices. On va développer des méthodes pour cheminer spirituellement. Le groupe, les fraternités, ont plus d'importance que les personnes individuelles. Ainsi, les écrivains ne signent pas leurs ouvrages, car il ne s'agissait pas de faire connaître un maître spirituel, mais de témoigner. Ainsi, on a longtemps ignoré l'auteur de l'Imitation de Jésus Christ. Mais depuis vingt ans, les recherches historiques ont confirmé son auteur. L'accent est mis sur la réforme intérieure et sur l'efficacité dans le cheminement spirituel.

2. Les principaux représentants


a) Les fondateurs

Le père de la Devotio moderna est un laïc qui a fini par devenir diacre afin de pouvoir prêcher, parce que seuls les diacres le pouvaient. C'est Gerard GROOTE (mot qui signifie: grand).

Gerard GROOTE, 1340-1384, vient de la classe moyenne ou d'une famille aisée de Hollande, de la ville de Deventer. Orphelin à dix ans, à dix-huit ans il détient sa maîtrise ès arts de Paris. Moralement, il a une vie d'étudiant actif et la décrit par ce verset de Jérémie 2,20: "Sur toute colline, sous tout arbre vert, j'ai forniqué".

Il se convertit à trente-quatre ans en 1374. Au début, il pense à son propre salut. Pour pouvoir prêcher, il se fait ordonner diacre et commence son ministère de prédicateur et réformateur. Sa prédication est efficace et il prêche surtout contre le relâchement des monastères, la décadence du clergé et l'hérésie du libre esprit.

Il convertit des gens, mais d'autres s'opposent à lui, notamment ceux des monastères et le clergé. Et même l'évêque l'empêche de prêcher en l'interdisant à d'autres qu'aux prêtres!

Grand animateur, il réunit des hommes et des femmes autour de lui. Il meurt à quarante-quatre ans d'une maladie contagieuse contractée auprès d'un de ses disciples de la Devotio Moderna. Il était théologien, canoniste, réformateur. Il a mis l'accent sur la purification du coeur. Il a présenté l'humanité du Christ comme la porte de toute vie spirituelle. Il avait un charisme d'inspiration.

Florent de RADEWINJS, 1350-1400
.
Groote, laïc, avait été le disciple de Ruysbroeck. Après la mort de Groote, Florent de Radewinjs a réuni des laïcs. Florent, son disciple, va continuer son oeuvre. Il est un organisateur des Frères et des Soeurs de Vie Commune et des chanoines de Windesheim. Il a le charisme de l'organisation, tandis que Groote avait celui de l'inspiration, comme on le voit souvent dans les fondations de communautés religieuses.

Radewinjs, étudie à Prague en Hongrie et est maître ès arts à vingt-huit ans. Il était de Hollande. Après ses études, il rentre à Utrecht en Hollande et trouve à Deventer Gerard Groote. Il attache à lui et l'aide à se défendre contre les frères mendiants qui sont alors les Franciscains et les Dominicains, lesquels ne voyaient pas d'un bon oeil ces fraternités.

Florent Radewinjs va demeurer avec les Chanoines et va les réformer. A la fin du XVe siècle, il y aura plus de cent couvents qui s'y attachent. Florent Radewinjs est l'unique personne que Groote a poussé au sacerdoce pour qu'il puisse vraiment être un directeur spirituel pour leurs disciples. Lui aussi ne cherche pas les théories spéculatives et mystiques. Il est très psychologue et fin conseiller spirituel auprès des nouveaux convertis et des Chanoines. Un peu timide, il ne possède pas d'exceptionnelles qualités intellectuelles, mais il attirait par sa bonté et sa psychologie humaine. Si Groote n'avait pas commencé, Florent n'aurait sûrement pas commencé!

En conclusion, sans Florent de Radewinjs, le mouvement issu de Groote serait très vite disparu. Deux génies spirituels se sont complétés.

b) Les disciples

1. Thierry de HERZEN, 1381-1457.

Dans le dictionnaire, chercher: Dirc, qui est un autre nom de Thierry]. Il a étudié dans une fraternité des Frères de Vie Commune et il en est devenu membre à vingt-quatre ans. Cinq ans plus tard, il est devenu recteur d'un collège jusqu'à sa mort. On a de lui, encore à l'état de manuscrits, parce que pas publiés, des lettres, des conférences et des traités.

Il a eu une grande influence sur les laïcs et les prêtres séculiers. Il est considéré comme le Père général de toutes les communautés.

2. Jean vos de HEUXDEN, mort en l424.

Il fut un supérieur du monastère de Windesheim à partir de 1391 et il a marqué l'institut à cause du temps passé à la tête de ce monastère. Il a un écrit sur la vie et la passion de Jésus Christ qui est la charte de la Devotio moderna.

3. Jean MOMBAER, 1460-1501

Chanoine de Bruxelles, il s'est consacré à la réforme des couvents d'homme en France. Il est le dernier des écrivains notables de la Devotio moderna dont il annonce le déclin. Après lui, la méthode envahit tout le champ spirituel et atteint une importance quelque peu artificielle. Il a moins d'inspiration et plus d'organisation, comme c'est toujours le cas quand on s'éloigne des origines.

Il n'y a plus de place pour l'inspiration. Consigné dans "Rosetum" ou la rosette des exercices spirituels et de méditation. (Par exemple, la main psalmique, etc.: moyens pour se souvenir, prier, etc.). Mombaer représente à l'excès ce trait de l'efficacité, d'où exagération. Il est le genre maniaque de l'audio-visuel, des moyens et techniques.

4. Jean BUSCH, 1399-1479.

Le mot "Busch" signifie: livre. Il est un des plus notables de l'école. Il a été un réformateur en Allemagne. Il était très résolu et avait beaucoup de confiance en lui.

5. THOMAS HEMERKEN A KEMPIS, 1379 ou 1380-1471.

Kempen: nom de la ville d'où il vient et latinisé en Kempis. C'est le plus important. Il est le plus insigne des représentants de ces disciples. Des son jeune âge, il est disciple de Florent de Radewinjs et entre au monastère de Zwolle près de Windesheim. Il est tôt maître des novices. Ses oeuvres: il a fait beaucoup de conférences. On a de lui: des Dialogues avec les novices, des Sermons, des Enseignements pour jeunes et l'Imitation de Jésus Christ.

C'est par lui et par le livre de l'Imitation de Jésus Christ que l'esprit de la Devotio moderna va se transmettre dans la suite des âges et en particulier dans la Compagnie de Jésus qui fut approuvée en 1540 et qui a recueilli en partie l'héritage de la Devotio Moderna. Ignace de Loyola l'appelait son petit Gerson, car il croyait que l'auteur était Gerson.

Grâce à Ignace de Loyola, le livre de l'Imitation de Jésus Christ est devenu un classique de la piété universelle. Pour les autres fondateurs, leurs écrits sont tombés dans l'oubli. Seule l'Imitation de Jésus Christ a survécu et a marqué beaucoup la spiritualité jusqu'en 1960.

3. Caractéristiques.

Introduction.

* Ecole de vie spirituelle la plus réaliste.

* Reconnaissance du sérieux de la vie chrétienne; à la portée de chacun.

* Focalisation sur une véritable conversion du coeur.

* Pratique des vertus; courage devant les épreuves.

* Evangélisation par l'apostolat auprès du peuple ignorant et simple.

* Education de la foi avec l'ouverture de nombreux collèges .

3.1 Christocentrisme.

Laissant les attributs divins du Christ à leur mystère, les "modernes voués" cherchent une contemplation concrète du Christ, Dieu et homme, dans la déjà lointaine foulée de François d'Assise.

3.2 Techniques et méthodes.



Introduction d'une méthode de méditation, de prière personnelle et d'exercices spirituels, méthode aux techniques parfois compliquées,(le Rosetum Mombaer), méthode pourtant dans la continuité franciscaine du Moyen-Age (notamment Bonaventure).

3.3 Anti-spéculation ou anti-science.

Sont visés, non pas l'intelligence, le talent, la science ou l'art, car la Devotio moderna aura ses sages et ses savants, aux oeuvres remarquables? mais les beaux?esprits, esprits enflés et décadents. Ce qui est rejeté? L'excès .

3.4 "Anti?humanisme".

Il n'est pas la négation des valeurs humaines dont on redécouvrait d'ailleurs la richesse. La Devotio Moderna ne méprise pas l'homme cultivé mais se méfie d'une culture et d'une connaissance purement humaines qui font surface à cette période (La Renaissance, ou plus tard le Siècle des Lumières).

3.5 Retrait du monde: solitude-silence.

Au contact humain que l'on ne rejette pas, est opposé une réserve qui rend à la prière et à la méditation la première place. La solitude et le silence évitent la dispersion, la futilité. Demeurent cependant l'esprit d'évangélisation et l'intérêt pour l'apostolat.

3.6 Affectivité.

Une des plus profondes et peut?être la plus importante des caractéristiques de la Devotio moderna: la piété affective.

Piété elle aussi en continuité avec le Moyen?Age, avec les Cisterciens pour qui l'affectivité avait une très grande place. Les fils de saint Bernard, de l'Abbaye de Cîteaux,( latin: Cisterciences) sont, on le sait, les fondateurs ou source de plusieurs autres monastères.

Sous la règle de saint Benoît (en plusieurs branches), en réaction à la décadence des monastères de Cluny, cette continuité puise également chez les Franciscains et les Chartreux.

La piété affective, avec son enthousiasme au sens anglais du mot, son expressivité se greffe sur l'Eucharistie, la passion du Christ, sa Personne. Elle conduit à délaisser les prières vocales et liturgiques pour la prière individuelle. Réduire la longueur du bréviaire permet de plus longues prières dans la ferveur intérieure, l'expression personnelle des sentiments et de la foi.

3.7 "Moralisme".

Les "neo?dévots" insistent sur la maîtrise de soi et l'accomplissement de ses devoirs, la pratique du bien et des vertus, le combat du vice et du mal. C'est une façon d'agir très concrète, avec l'accent sur les "vraies vertus": humilité, obéissance, entraide fraternelle, encouragement mutuel au bien; en somme, celles de la vie commune.

3.8 Ascétisme.

L'ascèse (grec:askesis) ?l'exercice spirituel? n'élimine pas la mystique en elle?même, mais au contraire y conduit par un constant effort de volonté.

3.9 Intériorité et subjectivisme.

Aux rites, aux actions extérieures, aux gestes de piété, est préféré le soin apporté à l'intention, à la méditation réfléchie et à la ferveur du coeur; non sans une sérieuse dépréciation de la liturgie.

3.10 Lecture biblique .

Avant Luther, ces laïcs désirèrent que la Bible soit traduite en langue vernaculaire, ce qu'ils entreprirent. Les poussaient, le goût et l'intérêt de la lecture, de la méditation des Ecritures, ce, pour l'édification et la dévotion, non pour la recherche et l'exégèse savantes.

Conclusion

Caractéristique fondamentale: le réalisme.

Les chrétiens de la Devotio moderna ne sont pas de ces modernes, hommes à l'affût de l'invention du siècle, de l'inédit. Les liens avec les écrivains, les penseurs mystiques , les contemplatifs médiévaux, demeurent. La modernité les habite, parce que chez eux, le sens religieux, rempli de réalisme, se méfie de tout ce qui brille et se dit.

Leur modernité les distingue par la modération et par un équilibre rarement atteints dans l'histoire de la spiritualité . Le monachisme des premiers âges avait découvert cet équilibre et cette modération où s'épanouissait ce monument de sagesse, la règle bénédictine.


4. Imitatio Christi.

Introduction.

Le titre, emprunté au premier paragraphe du volume, reflète bien l'esprit de la Devotio Moderna.

Réunies à la façon biblique du Siracide et de Qohélet, ce sont des pensées, des réflexions regroupées en quatre livrets indépendants mais dont l'inspiration est unique et identique pour chacun. D'abord notes de conférences spirituelles de Thomas a Kempis à ses novices, elles sont transcrites et relayées de main en main, puis sans doute revues par le conférencier

Contenu.

Tout comme dans les diverses traductions de la Bible, il existe plusieurs plans et diverses façons de titrer les chapitres, encore que tout reste centré sur la recherche de Dieu.

PREMIER LIVRE.

Le questionnement est ouvert sur l'essentiel.

Des conseils pour entrer dans la vie intérieure avec une insistance sur la voie par excellence pour y entrer: l'imitation de la vie divine et humaine de Jésus-Christ.

Une autre attention est portée sur la voie de l'intériorisation personnelle des attitudes et des comportements évangéliques: humilité, componction. Nous dirions aujourd'hui la tendresse de Dieu, l'amour, en ce qu'il est ressenti.

Sans le renoncement à soi-même et l'amour, les oeuvres ne sont rien.

DEUXIEME LIVRE.

Des avis propres à progresser.

Devenu libre pour accueillir le Seigneur, la progression est possible jusqu'au sommet, jusqu'à l'amitié divine; progrès toutefois proportionnel à la liberté du coeur. Cette liberté profonde consiste à toujours se vaincre, se renoncer, les yeux fixés sur le Christ.

TROISIEME LIVRE.

Dialogue entre le disciple et son âme, avec le Christ.

Traitant de l'union à Dieu, union où la lutte n'est pas disparue, mais où le chrétien est amené à discerner, avec plus de sûreté, la présence du Seigneur, émaillé de plusieurs règles de discernement pour ce faire, (chapitre septième surtout), c'est la partie vraiment autobiographique de tout l'ouvrage, car y est décrite l'expérience spirituelle de Thomas a Kempis lui?même.

QUATRIEME LIVRE.

Totalement différent par son sujet, le quatrième est une fervente exhortation à la communion, un traité sur l'Eucharistie. Différent aussi par un dialogue très sensible, dialogue d'amoureux! Il emprunte beaucoup d'images au Cantique des Cantiques qui lui apporte le caractère affectif le plus marqué: un sommet de l'union à Dieu, inscrite dans le mystère eucharistique. Il est, avec les hymnes de Thomas d'Aquin (comme le Pange Lingua pour la Fête?Dieu), un des plus beaux textes eucharistique du Bas?Moyen-Age.

Ce livret se distingue donc totalement des trois premiers. Après l'Ecriture Sainte, l'Imitation de Jésus-Christ a longtemps été donné comme le livre le plus inspiré.

BUT.

Il ne s'agit pas d'un exercice didactique, enseignement donné de ce que doit être la vie chrétienne mais le propos qui veut rejoindre les chrétiens ?de ce temps?là? dans leur vie personnelle. C'est une exhortation, parénétique dans l'esprit des lettres de saint Paul.

LIMITES.


Tout n'est pas dit. Considérant la communauté de foi comme engagement personnel, décision privée, l'auteur en ignore l'aspect ecclésial implicite.

L'accent individuel très marqué signe et entretient le désintérêt de l'ouvrage depuis une vingtaine d'années, "l'ecclésialisme", issu de V.ll ayant repris vigueur

CONCLUSION.

L'Imitation ne rend pas suffisamment compte de toute l'expérience chrétienne.

Se nourrir uniquement du texte, laisse sur la faim ; pour la liturgie par exemple. La même faim se retrouve avec de grands auteurs, dont Jean de la Croix qui ne dit rien de la messe, parce que le langage humain fait défaut.

Ecrit profond et d'une grande richesse, avec son style et son genre littéraire, l'Imitation de Jésus?Christ traverse les siècles.

Les LEGS de la Devotio Moderna

L'héritage, ce qu'on en a retenu dans les siècles suivants, surtout au XVIe siècle, ce qu'on a assimilé et gardé de ce courant spirituel par la suite, se situe à trois niveaux.

a) On va retenir une primauté du psychologique, un accent mis sur les états intérieurs, sur le subjectif, au point qu'on en viendra par la suite à analyser, répertorier, classifier même, et alors il deviendra possible de construire un instrument pédagogique dont l'objectif sera d'arriver à ces états intérieurs.
L'instrument pédagogique le plus connu, fruit de cette mentalité-là, s'appelle l'oraison mentale. Sainte Thérèse d'Avila va le perfectionner et le populariser au XVIe siècle. C'est une suite directe de cet esprit de la Devotio moderna, qui utilisait des méthodes et des techniques pour éduquer et arriver aux sentiments intérieurs.

Cela passe à travers les Franciscains, par certains auteurs que Thérèse d'Avila a lus et un Abbé Bénédictin qu'Ignace de Loyola a connu. C'est une organisation de la prière autour de l'oraison mentale.

Franscesco OSUNA, 1492-1540. Il a écrit le Troisième Abécédaire ou Tercer Abecedario. C'est un livre que sainte Thérèse d'Avila a lu avant sa conversion. Francesco Osuna était un franciscain espagnol.

Bernardin LAREDO, o.f.m., mort en 1540. Il a écrit la Subida del Monte Sion ou la Montée du mont Sion. Saint Jean de la Croix a dû le lire et s'en est sûrement inspiré.

Abbé Jimenez de CISNEROS, 1455-1510. Il était de l'abbaye de Montserrat, près de Barcelone. Ce Bénédictin, s'inspirant de la Devotio moderna, a écrit: Exercitatorio de la vida Espiritual ou Les exercices de la vie spirituelle. Ignace de Loyola s'en est inspiré.

Il y a donc vraiment une filière d'intermédiaires et de "transmetteurs" rattachés à cette école qui va durer au XVIe siècle. Ignace de Loyola en fait partie.

b) Il y aura une dépréciation de la liturgie chez les auteurs spirituels dans les siècles qui vont suivre, parce qu'on se limite à l'expérience spirituelle individuelle et privée. C'est ce qui est le plus passé dans les moeurs et dans l'histoire de la spiritualité. Malheureusement!

La liturgie est considérée comme quelque chose d'accessoire et d'à côté de la vie spirituelle des gens, parce qu'on insiste tellement sur expérience spirituelle personnelle et sur la prière privée. Par exemple, saint François de Sales expliquera à Philothée comment faire son oraison mentale pendant la messe, quoi faire à chaque partie, mais autre que de suivre la messe!

c) L'évolution spirituelle du Moyen-Age, dont la Devotio Moderna est l'ultime fruit, aboutit à une source renouvelée de la responsabilité apostolique du chrétien. Pour la Devotio Moderna et pour saint Ignace de Loyola, au XVIe siècle, et pour les réformateurs protestants, la contemplation n'apparaît pas comme une valeur séparée en soi de l'action.

Cela va marquer l'histoire spirituelle des siècles subséquents. Et c'est un heureux effet. Ce n'est pas seulement une question sociologique et une pratique, c'est de l'ordre de ce que nous appelons aujourd'hui la mission du baptisé qui s'exerce par une témoingange et un engagement dans le monde en vertu de son sacerdoce baptismal.

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Mise à jour le 23 janvier 2002

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