Le réveil des forces spirituelles (1840-1862)



À partir surtout du milieu du XIXe siècle, il y a un réveil religieux "dont on ne connaît guère d'équivalent au cours des siècles" (Daniel-Rops). Tout en n'ayant pas n'a pas la même ampleur que le renouveau en France au XVIIe siècle, il reste que dans le nouveau contexte d'une Église dépouillée petit à petit de son pouvoir temporal et de richesses, le rôle spirituel de celle-ci s'affirme avec vigeur et suscite des initiatives variées. En effet, l'Église est amenée à jouer un rôle de plus en plus spirituel. C'est l'effet des révolutions qui se sont succédées.

Dans ce siècle, le pape verra son autorité spirituelle beaucoup plus mise en évidence à mesure que son autorité politique diminue. Il y a un mouvement d'accueil, de sympathie et d'obéissance à l'autorité spirituelle du pape. Le réveil se manifeste surtout à partir du milieu du siècle, il va éclore à la fin du XIXe siècle et le vingtième siècle en bénéficiera.

Les communautés religieuses vont prendre un essor remarquable. Au XIXe siècle, se fondent cent soixante-huit instituts religieux masculins et mille quatre-vingt-six instituts religieux féminins. En général, ces communautés sont toutes à orientation apostolique. Elles se tournent vers l'éducation, la jeunesse, l'enseignement, l'assistance aux pauvres, le service social des orphelins, des invalides, des personnes âgées et des malades mentaux.

Mais c'est surtout le laïcat qui sera le fer de lance de cette remontée spirituelle. Il y a une véritable percée du laïcat qui prend corps et qui se développera petit à petit.
Cette percée se manifeste de diverses façons.
Au milieu du siècle, nous avons une renaissance des confréries de toutes sortes (des Tiers-Ordres, des associations qui existaient avant la Révolution française). Ce qui caractérise ces confréries, c'est qu'elles groupent diverses catégories de personnes avec un but d'ordre spirituel et religieux. C'est un peu l'équivalent du côté des laïques de la renaissance des congrégations religieuses.

Il y a aussi l'apparition d'une très grande variété de groupements, nouveaux ceux-là. Ils sont souvent locaux. Ils ont en général un but caritatif ou apostolique et soutiennent une floraison d'oeuvres de toute sorte. Ce qui est nouveau, c'est la part des laïques dans ces mouvements qu'ils dirigent et qui auront souvent une action en avance sur l'Eglise officielle. On s'intéresse à la presse et aux moyens de communications (Le journal L'Avenir de Lamennais et Montalembert, mise sur pied des Conférences de Notre-Dame de Paris avec le Père Lacordaire etc. On ne se limite pas au monde religieux mais on se tourne vers ceux qui se sont éloignés.

Parmi ces promoteurs d'oeuvres nouvelles deux noms parmi bien d'autres méritent d'être cités: Pauline Jaricot et Frédéric Ozanam.

Marie-Pauline Jaricot (1799-1862)

C'est une laïque lyonnaise à l'origine de l'Oeuvre de la Propagation de la foi.

Elle est née en 1799 et meurt en 1862. Elle est la dernière de 7 enfants. Elle a une jeunesse d'un bonne jeune fille de famille bourgeoise. Son père est négociant en soierie. Elle est touchée de façon spéciale par le Seigneur en 1814 alors qu'elle était très sérieusement malade. Sa mère meurt pendant sa maladie. Elle chemine à la suite de ces moments éprouvants avec un prêtre l'abbé Würtz. Elle vit une période de très grande intériorisation pendant les années 1815-1816 où elle mène une vie retirée. Elle développe le goût de psaumes et se centre de plus en plus sur le Coeur de Jésus. Elle s'offre en victime à l'amour de Dieu. Elle tente alors de regrouper des personnes auxquelles elle donne le nom des Réparatrices du Coeur de Jésus.

Son directeur l'abbé Würtz revient sans cesse à la charge pour la sensibiliser à la situation des gens qui travaillent dans les ateliers de soie, aux malades dans les hôpitaux, aux pauvres. C'est alors qu'elle commence à entendre parler des missions dans les pays lointains qui se développent de plus en plus avec l'expansion des empires coloniaux qui prennent forme en Afrique notamment. Nous sommes en 1817. Elle s'associe avec les Prêtres de Missions-Etrangères de Paris, recrute d'autres bénévoles autour d'elle et cherche des moyens de venir en aide aux missions par une contribution matérielle et non seulement par la prière.
Elle invente alors une formule originale de collecte de fonds. Elle groupe dix personnes qui chacune en trouve dix autres (elles les appellera des dizainiers et des centainiers). Chaque personne donne un sou par semaine. D'autres bénévoles se chargent de ramasser les fonds recueillis par les centainiers. Les premières sommes sont versées pour la Chine par le truchement des Prêtres des Missions-Etrangères. Les sulpiciens vont eux aussi encourager Pauline et on verra apparaître le nom Oeuvre de la Propagation de la Foi. Pauline reste modeste centainière. Son oeuvre va dépasser sa personne. Elle sera reconnue bientôt comme une oeuvre pontificale et prendra une extension universelle.

Très attentive aussi aux conditions de vie des ouvriers (un de ses beaux-frères avait des usines de soie) elle connaîtra leur révolte, Elle va essayé de contribuer à améliorer leur condition en fondant un genre de Caisse Populaire où les ouvriers participeraient à la gestion. Malheureusement cette initiative fait faillite.

Pauline meurt le 9 janvier 1862. Elle est une inspiration pour de nombreux laïcs dans l'Eglise encore aujourd'hui. Elle donne l'exemple d'une vie dans le monde où la préoccupation des ses frères et soeurs a toujours eu la première place. Elle nous enseigne que l'apostolat est à la portée de tous quelque soit sa condition de vie.


Frédéric Ozanam (1813-1853)

D'origine lyonnaise par sa mère. C'est à Milan, en Italie, où son père exerce dans les hôpitaux, que Frédéric naît le 23 avril 1833. Il meurt en 1853 à l'âge de 40 ans seulement.

En 1815, Milan redevenant propriété autrichienne, la famille Ozanam rentre en France, à Lyon, ville où la mère de Frédéric a sa famille.

Frédéric passe toute son enfance à Lyon. Il est élève au Collège Royal (actuel lycée Ampère) pendant les années 1820. En classe de première, le milieu ambiant, indifférent à la religion, finit par l'atteindre. Il traverse une crise de foi intense et profonde. Sa foi d'adolescent est en train d'évoluer vers une foi adulte. Mais c'est une épreuve alourdie par le milieu scolaire. C'est son professeur de philosophie, l'abbé Noirot, qui l'aide à traverser ce difficile passage.

Après l'obtention du baccalauréat, Frédéric est orienté par son père, vers les études juridiques.

Icône du bienheureux Frédéric Ozanam
En 1831, après une année de stage chez un avoué lyonnais, Frédéric Ozanam arrive à Paris. Il mène dans la capitale une vie studieuse. Sa famille lui manque beaucoup. Il étudie à l'École de droit située à proximité du Panthéon. Mais la littérature l'attire d'avantage. Il s'inscrit à la faculté des Lettres et suit donc un double cursus, littéraire et juridique. Ses parents s'en inquiètent d'ailleurs !

Frédéric, comme les étudiants de son temps a du mal à se loger. Il réussit à être accueilli par André-Marie Ampère, célèbre physicien, qui lui offre la chambre de son fils Jean-Jacques, parti à l'étranger pour un voyage d'études. L'accueil chaleureux réconforte beaucoup le jeune étudiant. C'est au cours de ses études universitaires, en avril 1833, qu'il va fonder avec six autres camarades, lyonnais pour la plupart une petite société fraternelle où l'on prie, où l'on approfondit sa foi, où l'on se consacre à soulager la misère par une charité de proximité. Cette société qui s'appelait à ses débuts Conférence de Charité, s'est mise par la suite, sous le patronage de saint Vincent de Paul, apôtre de la charité au XVIIe siècle, en 1834, sous l'influence de sœur Rosalie Rendu, et sur proposition de Jean-Léon Le Prévost (futur fondateur des Religieux de Saint-Vincent-de-Paul). Le groupe a pris saint Vincent de Paul (1581-1660) pour patron pour se laisser inspirer par l'esprit et l’œuvre de Monsieur Vincent, connu comme le « père de la Charité ». Le groupe se nommera à partir de ce moment les Conférences Saint-Vincent-de-Paul qui sont maintenant répandues dans plus de 140 pays formant ainsi le plus grand mouvement de laïcs catholiques au monde.

Soeur Rosalie Rendu (1786-1856), fille de la Charité (société religieuse fondée par Saint Vincent de Paul qui a fondé aussi les Prêtres de la Mission appelés encore Lazaristes), est un peu la Mère Teresa du quartier Mouffetard (dans l'actuel V° arrondissement de Paris). Elle était au centre du mouvement de charité qui caractérisa Paris et la France dans la première moitié du XIXe siècle. C'est elle qui guide, qui forme Frédéric et ses amis au service des plus pauvres.

Avec quelques amis, il va demander qu'on instaure des prédications de carême pour illustrer la foi catholique. Difficultés avec l'évêque. La première année, Frédéric n'avait pas pu obtenir les conférences. La seconde, il obtiendra les conférences, mais ce seront des prêtres que l'évêque choisira de son clergé. Ce n'est que la troisième année (1835) que le père Lacordaire montera en chaire à Notre-Dame de Paris le 8 mars. Cependant, l'année précédente, il avait donné des conférences au Collège Stanislas.

Dès 1837, les Conférences Saint-Vincent-de-Paul (ce sont les "sections" locales de la Société de St-Vincent de Paul) totalisent 400 confrères à Paris et en Province.

Frédéric en janvier 1839 est reçu docteur-ès-lettres après avoir soutenu une double thèse latine et française (dont l'une sur Dante). Entre les Lettres et le Droit, Ozanam choisira, et ce sera l'enseignement universitaire à la Sorbonne qui le passionnera véritablement. Pour accéder à la chaire de littérature comparée, Ozanam s'est soumis au tout nouveau concours de l'agrégation fondé par Victor Cousin. Frédéric Ozanam est le premier professeur agrégé !

Avocat au barreau de Lyon, il se consacre, parallèlement à son activité de plaideur, à la toute jeune Société de Saint-Vincent-de-Paul. À Lyon, il met sur pied une chaire de droit commercial. Il supervise le développement des Conférences St-Vincent-de-Paul qui s'organisent déjà de son vivant à l'échelle mondiale. Elles seront approuvées par le pape en 1845.

Engagement au service des pauvres et travail universitaire, journalisme et participation à la vie politique (Frédéric, pressé par ses amis, s'est présenté à la députation en 1848 mais n'a pas été élu), Frédéric Ozanam déploie mille talents. Il parvient à trouver son plein épanouissement en fondant une famille. Le 23 juin 1841, en l'église St-Nizier de Lyon, il épouse Amélie Soulacroix. De leur union naît le 24 janvier 1845, Marie.

A peine Frédéric commence-t-il à être à l'apogée de sa carrière que son état de santé l'oblige à interrompre ses cours à la Sorbonne. Sur le conseil de son médecin, Ozanam part se reposer dans le sud de la France où le climat lui serait plus propice. Il se rétablit pour une courte durée. En 1852 une rechute l'oblige à renoncer pour de bon à son enseignements, aux projets...

Accompagné de sa femme et de sa petite Marie, Frédéric Ozanam part en Italie, comme pour saluer cette terre pour la dernière fois. A Pise, en 1853, il rédige une magnifique prière, véritable testament spirituel qui reflète son dernier combat. Ramené mourant de Pise, il meurt à Marseille le 8 septembre 1853.

Frédéric Ozanam est un laïc aux tendances plutôt libérales. Ce qui lui occasionnera quelques tensions avec les évêques, mais il demeurera toujours fidèle au pape. Il s'opposera aussi à Louis Veuillot du journal L'Univers qu'il trouve trop conservateur. Nous avons en Frédéric Ozanam le type de laïc qui n'a pas peur de prendre sa place dans l'Eglise. Avec des gens comme lui, les mentalités à l'intérieur de l'Eglise seront provoquées au changement. Ce changement hélas ne viendra pas très vite. L'esprit dominant est anti-libéral et l'Eglise garde toujours un structure hiérarchique très rigide.

Le corps de Frédéric Ozanam repose dans la crypte de la chapelle des Carmes, rue de Vaugirard à Paris. Il a été béatifié par le pape Jean-Paul II, à Notre-Dame-de-Paris, le 22 août 1997.

Mise à jour le 21 janvier 2007

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